« Cap’Adapt, pour répondre ensemble à des besoins ciblés »
05 avril 2017
#Découverte. Tanguy Merceur et Alexandra Guinoiseau ont ouvert mi-mars le premier centre de sport adapté en France. Située dans la Z.A. du Landreau à Beaucouzé, la structure Cap’Adapt permet aux personnes valides et invalides un suivi personnalisé selon des besoins identifiés et définis au préalable. Tanguy Merceur retrace l’histoire de Cap’Adapt, de la naissance de l’idée à ce qu’elle est aujourd’hui.
Comment l’idée « Cap’Adapt » est-elle apparue dans ton esprit ?
Pendant les 8 dernières années, je travaillais dans le monde du football féminin (Lyon, Rodez, La Roche-sur-Yon) comme préparateur physique et entraîneur. En parallèle, je passais mes diplômes handisport et handi-fitness. Puis il y a un an et demi, j’ai décidé d’arrêter le foot pour recommencer l’école et valider une licence activité physique adaptée à la santé à l’IFEPSA. Mon projet prenait de plus en plus de place dans ma tête.
Pourquoi avoir fait le choix de quitter le monde du football ?
Le football de performance, de haut niveau, c’était très bien, mais les valeurs humaines me manquaient. Quand j’étais à domicile avec des personnes en situation de handicap, je me rendais compte qu’en fin de prise en charge médicale, elles rentraient chez elles. Tout le travail effectué stagnait ou régressait car il n’y avait plus de suivi. En réalité, il faut continuer une activité, mais personne ne savait comment répondre à cette problématique. Les salles de sport traditionnelles ne sont pas forcément adaptées sur toutes les machines, il y a le regard des autres, l’accompagnement, le suivi. C’est toute cette orientation qui a commencé à émerger il y a 5-6 ans maintenant.
Peux-tu nous décrire le centre Cap’Adapt ?
C’est un centre de sport adapté, pour les personnes valides comme pour les personnes en situation de handicap. On a un espace cardio, fitness et musculation avec des machines qui peuvent recevoir des personnes aussi bien valides qu’en fauteuil, il n’y a pas besoin de faire un transfert d’un siège à un autre. Toutes les machines sont guidées, il n’y a pas de risque de blessure, avec un accompagnement et un suivi très proche. On a aussi un gymnase qui permet de faire des activités physiques adaptées : parcours d’appui, d’équilibre, jeux de raquettes, de ballons, etc.
« Quand j’étais à domicile avec des personnes en situation de handicap, je me rendais compte qu’en fin de prise en charge elles rentraient chez elles, il n’y avait plus de suivi »
Est-ce que vous avez des partenariats ou relations avec des professionnels de la santé ?
Oui, on a développé des liens importants avec les établissements de santé à Angers, comme les Capucins, le CHU ou la Clinique de l’Anjou. Des bureaux sont mis à disposition du personnel de santé, comme les kinésithérapeutes, ostéopathes ou diététiciens principalement, qui viennent assurer des permanences. On est à l’aise ici pour avoir tout à sa disposition. On dispose en tout de 450m² et 19 machines. C’est moins que dans les autres salles, et on n’assure pas de cours collectif, car l’objectif ici est de répondre ensemble à des besoins précis et ciblés.
Je suis client, j’arrive chez Cap’Adapt. Que se passe-t-il pour moi ?
On commence par un tour de la structure pour présenter le centre de la même manière que je l’ai fait juste avant. C’est un premier contact. La première séance est toujours sur rendez-vous, c’est une séance d’essai qui n’engage à rien et qui permet de faire connaissance. On peut tester ensemble les différents espaces et voir comment on peut avancer ensemble. On va cibler les objectifs, un bilan individuel sera effectué tout au long de l’évolution. C’est vraiment « à la carte », on a un pass 3 ou 6 mois, une carte de 20 entrées… Notre objectif est vraiment de répondre à la demande des personnes, on ne veut pas rentrer dans un business avec une grille de tarifs classiques.
A quel moment a-t-on besoin de venir chez Cap’Adapt ?
Pour les personnes en post prise en charge médicale, c’est une suite logique guidée. Pour les personnes valides, il n’y a pas de besoin particulier : reprise du sport, préparation physique, etc. C’est vraiment un endroit où tout le monde va se côtoyer. Quelqu’un qui recherche des cours collectifs ou un vrai programme de musculation ne viendra pas chez nous. Le côté dépassement de soi est aussi très important. Si une personne traîne la jambe, en disant « J’en ai marre », elle pourra relativiser quand elle verra par exemple quelqu’un en fauteuil se mettre au sol pour faire ses exercices. Ce sont des messages qui sont affichés dans le centre : la détermination, l’entraide.
Tu es seul à gérer toute la structure ?
Nous sommes deux associés. Avec moi, il y a Alexandra Guinoiseau, que j’ai rencontrée dans un centre de rééducation. Elle a eu un accident de la route il y a deux ans et demi. En discutant, on s’est rendu compte qu’elle avait identifié les mêmes besoins que moi. Ce côté patient-éducateur est une force, ça nous a permis de mutualiser nos compétences pour avancer dans ce projet ensemble. Il y a aussi Alexis Delatour, qui, pour l’instant, n’est là qu’en tant que stagiaire. Il va continuer avec nous après pour que l’on soit toujours au moins deux sur le côté sport : quand on fera les bilans individuels par exemple, il y aura toujours quelqu’un sur notre plateau sportif.
« Le côté dépassement de soi est aussi très important. La détermination, l’entraide, ce sont des messages qui sont affichés dans le centre »
Est-ce que tu as une certaine crainte de ne pas pouvoir t’adapter à une situation de handicap particulière ?
Je n’ai pas cette peur. Mais si on n’est pas capable de le faire, on ne mentira pas. Je pense qu’on est assez honnête pour montrer nos limites et être capable de les accepter. Après, cette force de travailler en équipe nous permet d’avoir des réponses. Nos expériences passées font aussi qu’on a côtoyé des personnes sportives, en situation de handicap, avec des pathologies ou déficiences, qui étaient différentes. C’est une force et je pense que l’on pourra s’adapter peu importe les personnes. Cela correspond d’ailleurs au défi que l’on s’est fixé : peu importe les déficiences, on peut réaliser de très grandes choses à travers le sport.
Justement, peux-tu revenir sur ce grand défi réalisé en début d’année et qui a certainement dû être un très grand moment pour toi et ton équipe…
Nous sommes partis de Landerneau, pas loin de Brest, pour rejoindre le Décathlon d’Angers-Beaucouzé. Patrick Chapellière était en hand-bike sur tout le long du trajet. Cela représentait plus de 8 marathons en 10 jours. Arnaud Servio, malvoyant, a fait les 3 dernières étapes avec nous. Je le guidais de poignet à poignet. Sportivement, c’était un truc de fou, mais c’est passé au second plan tant le côté humain a pris le pas. On a rencontré beaucoup de monde, traversé des villes, discuté avec des enfants. On a véhiculé des messages importants, comme quoi valides et invalides peuvent s’associer pour vivre de grands moments. Il n’y a pas besoin d’être en situation de handicap pour s’y intéresser. Chaque ville nous attendait, il y avait une vraie attente et des animations étaient organisées. L’état d’esprit du défi représente vraiment ce qu’on veut mettre en place ici.
D’autres défis de ce type vont être mis en place dans le futur ?
J’ai une personne malvoyante qui est venue au centre dernièrement avec le rêve de faire un marathon. Elle m’avait déjà interpellé à la fin du défi à Décathlon en me le disant. Je pense que c’est quelque chose que l’on va faire dans les prochains mois : on va s’entraîner pour y arriver. Après, on a d’autres choses en tête, comme un ultra-trail en Afrique du Sud. Mais avant, il faut complètement récupérer du dernier. Il a laissé pas mal de traces, comme des fractures de fatigue par exemple. Il faut écouter son corps, c’est pas toujours facile, mais c’est avant tout ce que l’on dit aux autres.