« Je suis passée de personne en situation de handicap à athlète de haut niveau »
06 décembre 2017
#MadeInAngers. Un objectif sportif, c’est d’abord un point de départ et une destination finale. Chaque jour, on essaye un peu plus de s’en rapprocher… Mais l’essentiel reste de savoir comment l’atteindre. Quel est le chemin à emprunter ? Quels sont les efforts à déployer ? Avec quelle planification ? Et comment articuler un quotidien épanouissant autour de son projet ? Deux ans après son retour dans les bassins, notre nageuse angevine Claire Supiot, 49 ans, est désormais intégrée au collectif national de la Fédération Handisport de natation. Une vraie étape au cœur d’une saison charnière qui pourrait la mener jusqu’aux championnats d’Europe en août prochain. La destination finale : les Jeux Paralympiques de Tokyo en 2020. Claire partage avec nous un bout de son chemin.
Par Valentin Deudon
Objectif Tokyo 2020, l’évolution du projet à mi-parcours : « Je suis sereine »
Après avoir participé aux JO en 1988 à Séoul, Claire Supiot, atteinte de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, a l’ambition de se qualifier pour les Jeux Paralympiques de Tokyo en 2020. Ce doublé olympique est inédit, et le projet d’abord « fou » de la nageuse angevine prend de l’épaisseur : « On dit souvent qu’une entreprise fructifie au bout de 3 ans… C’est la 3ème saison depuis mon retour dans l’eau et je ressens les bénéfices du travail réalisé, et toute une évolution positive autour de moi. Avec mon frère comme entraîneur, nous sommes repartis de zéro il y a 2 ans avec un gros travail de base. Aujourd’hui, beaucoup de choses se mettent en place pour aller vers la performance. Je suis passée du statut de personne en situation de handicap à athlète de haut niveau ! J’ai trouvé également un équilibre personnel et professionnel malgré les sacrifices liés à ma pratique. Mon compagnon est à fond derrière moi, le club d’Angers Natation m’accompagne au sein de la section handisport, la Fédération me suit, #LaDalleAngevine me soutient, des partenaires me sollicitent… Ce sont de bons signaux. Je sais ce que je veux, je suis sereine ».
L’accompagnement de la Fédération Handisport : « Une reconnaissance »
Depuis novembre et un stage de travail à Vichy, Claire Supiot fait partie du « collectif national » de la Fédération Handisport de natation. Une étape essentielle en vue des sélections pour les prochaines olympiades : « La Fédération démarre un nouveau cycle, avec une nouvelle équipe technique et des nouveaux athlètes. L’objectif pour tous, c’est Tokyo 2020. Je dois me reconstruire une carte d’identité, oublier la nageuse valide que j’étais. A bientôt 50 ans, ce sont des efforts mais je m’adapte. Etre intégrée à ce collectif est une reconnaissance, mais surtout une opportunité de suivre des stages, de bénéficier d’un suivi de performance, du regard d’entraîneurs nationaux… On se sent pris en charge, c’est rassurant. A Vichy, j’ai réalisé un gros travail technique et reçu des conseils utiles. Les coachs proposent, on essaie puis on valide ou pas. Ils ont vu aussi que mon projet était déjà structuré. Et puis je connais maintenant les règles du jeu jusqu’en 2020, avec les temps à atteindre chaque année pour être dans la course. Les chronos seront essentiels, mais la sélection se fera aussi sur le comportement en compétitions internationales et sur l’adaptation au sein du collectif ».
Optimiser la préparation du 400m : « Des chronos durs mais réalisables »
Pour être à Tokyo, Claire Supiot devra donc respecter un tableau de marche sur 3 saisons afin d’améliorer par étapes son chrono sur sa distance, le 400 mètres nage libre. C’est tout un suivi adapté et une planification d’entraînement qui s’organisent en conséquence : « Cette distance est à la frontière des filières énergétiques, c’est à la fois de la vitesse et de la résistance. Pour me préparer, je fais de l’endurance en grand bassin, mais les distances courtes sont utiles aussi pour gagner en vitesse. Je m’entraîne tous les jours, parfois très tôt le matin, sinon le soir. Les semaines sont adaptées en fonction aussi des stages et compétitions. J’ai un super encadrement : les entraîneurs du club, le médical, un kiné qui me connait parfaitement, un préparateur mental, la nutrition aussi… Ils me donnent les outils pour mieux récupérer et progresser. On essaie de gagner en qualité, d’intervenir sur des détails. Et je vois déjà les résultats. J’ai amélioré mes temps sur toutes les distances. Sur 400m, j’ai recommencé à 5’14 il y a 2 ans, je viens de réaliser 4’55 »65 en bassin de 25m, soit 8 secondes de mieux que la saison dernière à la même époque. L’année des Jeux, il faudra être à 4’48 en bassin de 50m pour être sélectionnable. Ce sera de plus en plus dur mais c’est réalisable. Je dois durer et franchir les paliers, sans être trop impatiente ».
Et c’est reparti pour la semaine 6h30 , quel beau bassin 😉🏊♀️🏊♀️🏊♀️🏊♀️@AngersNatation @LaDalleAngevOFF @Angers pic.twitter.com/XTMmEcd9nf
— Claire Supiot (@ClaireSupiotOff) 4 décembre 2017
Une saison sportive riche en objectifs : « Je vais me situer à l’échelle mondiale »
Les séances et compétitions animent l’agenda de notre lauréate LDA 2017, qui concoure parfois sur des épreuves dites « valides », dès que possible sur celles uniquement « handi ». La reprise a été dense en novembre, à l’image d’une saison riche : « J’ai d’abord participé début novembre avec les valides aux interclubs départementaux toutes catégories, à Angers. J’ai pris beaucoup de plaisir à nager pour l’équipe, sur des 50 et 200m. La semaine suivante avaient lieu aux Sables d’Olonne les interclubs Maîtres (plus de 25 ans, ndlr), toujours en valides, où j’ai nagé mon premier 400 de la saison. Puis à la fin du mois, direction Cholet pour les régionaux toutes catégories, avec beaucoup d’adversité face à des jeunes valides qui venaient chercher des qualifs pour les France… Ca fait partie de ma préparation, je me suis accrochée et les chronos sont bons. Les grosses échéances à venir, ce sont les France Elite en mai à Saint-Raphael, et les 2 étapes de Coupe du Monde avec le collectif national, début mars à Copenhague puis en juin à Sheffield. Je vais concourir avec des filles de la même classification handi que moi, S9. Ce sera intéressant pour me situer à l’échelle mondiale. Et il faudra aller y chercher la qualif pour les championnats d’Europe en août à Dublin ».
La maladie de Charcot-Marie-Tooth : « C’est devenu une force dans notre famille »
En 2008, Claire Supiot apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, une affection neurologique avec atteinte des muscles distaux. Une réalité qu’elle a réussi à transformer positivement, et c’est bien ce qui rend son projet fascinant : « J’ai fait le deuil. J’ai cette chance d’avoir intégré mon handicap. Il est devenu une force, un challenge pour moi. J’ai pris le contre-pied avec mes jambes un peu folles… Je veux répondre autrement au handicap, en disant que c’est possible. Le sport a joué un rôle fondamental, ma famille aussi car j’ai toujours été sensibilisée par le caractère de certains aïeux qui ont été confrontés à la maladie. Une de mes tantes a été l’une des premières enseignantes à aller faire cours en fauteuil roulant, à une époque où ça ne semblait pas imaginable. Mon oncle, qui a lui plus de 80 ans, a comme moi Charcot-Marie-Tooth. C’est mon exemple. Son expérience de la maladie me sert beaucoup, il partage des conseils, des astuces pour mieux la vivre. Le contexte change aussi : avant c’était la personne handicapée qui était un problème, aujourd’hui avec l’évolution des lois et des mentalités c’est la société qui doit s’adapter et qui devient le problème dès lors qu’elle ne peut pas accepter tout le monde ».
Son travail au département : « Une transversalité avec mon quotidien de sportive »
Une vie familiale, un entraînement quotidien et un suivi de performance pour le haut niveau, mais aussi une vie professionnelle dans laquelle s’épanouir. C’est l’équilibre global qu’a réussi à trouver Claire Supiot, grâce notamment à son métier au département du Maine-et-Loire : « Depuis mai, je suis référente handicap à la direction des ressources humaines du département. Il y a une transversalité évidente avec mon quotidien d’athlète handisport. Je me sens bien dans ce travail, car ce n’est plus seulement mon handicap, c’est le handicap tout autour de moi. Mon poste consiste à coordonner tout ce qui se fait à l’échelle du département concernant le recrutement et le maintien dans l’emploi de la personne en situation de handicap, de la prise en compte de ses contraintes. On avance à petits pas, l’état des lieux initial a montré de bons projets à conserver, d’autres seront à créer. Le petit plus, c’est qu’avec ma reconnaissance dans le collectif national, la Fédération et le département vont pouvoir mettre en place une convention pour faciliter ma participation aux stages et compétitions. C’est aussi une évolution précieuse dans mon organisation ».
Rendez-vous toute la saison sur ladalleangevine.com et sur les comptes réseaux sociaux de l’association pour suivre Claire Supiot dans son objectif olympique !