#Découverte. Devenu paraplégique après un accident de la route en 2009, le Saumurois Jonathan Josse, 33 ans, s’est lancé un défi : faire le Tour de France en handbike. Alors qu’il bouclera la dernière étape de son pari fou à l’automne prochain, « Gino » prend aussi du temps pour sensibiliser les jeunes sur les dangers de la route et changer leur regard sur le handicap. Car il veut prouver que même en fauteuil, tout est possible.
Par Charles Dubré-Beduneau
La vie de Jonathan Josse a bien failli s’arrêter brusquement ce jour de janvier 2009, à seulement 24 ans. Alors qu’il circule tranquillement à scooter, il est fauché par un véhicule ayant grillé un stop. Ejecté de son deux-roues, il est laissé pour mort sur la chaussée. Il ne doit son salut qu’à un voisin de la maison qu’il vient de percuter. Après quatre jours en service de réanimation et deux semaines en soins intensifs, il s’en sort, mais restera paraplégique. « J’ai la chance d’être bien entouré. Ma femme, mon petit-frère et ma belle-sœur étaient à mes côtés à chaque étape. Mais j’ai mis cinq ans à vraiment me remettre de cet accident. J’ai encore des séquelles aujourd’hui. Je dis souvent qu’on n’accepte pas le handicap, on apprend à vivre avec », confie le jeune homme, dont la détermination et l’optimisme forcent d’emblée l’admiration.
Au cours de ses quatre mois et demi de rééducation, il essaie plusieurs sports, mais c’est avec le handbike qu’il accroche et qu’il remonte la pente, petit à petit. « Être au ras du sol, sentir cette sensation de vitesse… c’est un truc de ouf ! C’est bête mais rien que de quitter mon fauteuil pour faire du vélo, j’ai l’impression de ne plus être handicapé ». A peine rentré chez lui, il s’achète sa première « bécane » et commence à avaler les kilomètres. Il participe à sa première compétition seulement un an et demi après son accident et parvient à boucler le parcours (une trentaine de kilomètres). « J’étais comme un gamin, tellement heureux de juste avoir pu finir cette course! », raconte-t-il avec fierté. Jonathan prend ensuite part aux championnats de France et à deux championnats du monde (en Belgique et en Italie). Il intègre même le top 10 mondial, mais décide de faire un break au moment de la naissance de son fils.
« Quand je fais du vélo, le handicap disparaît »
Jonathan ne reprend finalement pas la compétition, car il rêve d’évasion. En 2013, il se lance un premier défi : faire la Loire à vélo. « On est partis à 3, un peu à l’arrache, mais on l’a fait : 1 200 km en 22 jours, dont 18 de vélo et seulement 4 de repos. C’était une belle expérience. On a découvert des paysages magnifiques, fait de superbes rencontres et j’ai réalisé de quoi j’étais capable. Ça m’a donné envie d’aller encore plus loin ». Fort de ce premier essai réussi, il se met en tête de faire le tour de France au guidon de son handbike, une première mondiale. Grâce à un financement participatif et après un an d’intense préparation avec son coach, il s’élance en juin 2016 du Nord. 33 jours et 2 400 km plus tard, il boucle la première étape à Saint-Brévin. Epuisé mais heureux, il revient aussi avec un constat : la majorité des automobilistes n’aiment pas partager la route avec les vélos, encore moins avec un handbike et sa caravane, et la cohabitation avec les voitures est très dangereuse, surtout en plein été.
Depuis 2013, Jonathan est intervenant départemental pour la sécurité routière et se rend régulièrement dans des établissements scolaires, du primaire au CFA, pour partager son expérience et faire de la prévention. « J’essaie de ne pas leur faire la morale… mais ça me rend malade de voir des jeunes faire n’importe quoi sur la route… Je suis la preuve qu’un accident peut arriver n’importe où, n’importe quand et à n’importe qui. J’aime beaucoup mettre les jeunes en situation, les mettre dans un fauteuil. Ça brise tout de suite la glace. Les échanges sont parfois surprenants mais toujours très enrichissants. J’aime bien leur laisser cette citation : Le vainqueur n’est pas seulement celui qui lève les bras sur la ligne d’arrivée, mais aussi celui qui ne les baisse jamais ».
Une arrivée sur les Champs-Elysées en octobre
L’an dernier, la deuxième étape de son tour de France l’a mené de Saint-Brévin aux Deux-Alpes, avec des interventions de sensibilisation lors des jours de repos. « Physiquement et psychologiquement ça a été dur. Certains cols dans les Pyrénées étaient vraiment éprouvants, j’ai repoussé mes limites. Ça s’est souvent joué dans la tête… Mais j’ai rien lâché. De toute façon ma femme m’avait interdit de rentrer avant d’avoir fini ! Une fois au sommet j’oubliais vite la fatigue car j’avais l’impression d’être le roi du monde… ». La troisième et dernière étape est prévue en septembre, avec une arrivée le 8 octobre sur les Champs-Elysées, comme pour la grande boucle des valides, histoire de finir en beauté. A travers ses exploits, Jonathan espère modestement inspirer d’autres personnes en fauteuil à ne pas s’interdire de rêver à cause de leur handicap. « Si on a la volonté, tout est possible. Mon handicap a été une barrière au début, mais j’ai appris à en faire une force », insiste-il. Avec une telle dalle, pas étonnant qu’il tutoie les sommets.