Le journalisme sportif est-il encore utile ? Épisode 3 : les nouveaux médias, entre concurrence et complémentarité
12 mars 2019
#Association. Streamings, lives, blogs, vidéos Youtube… Internet a démocratisé une multitude de nouveaux moyens de s’informer sur le sport. Déclarations des acteurs, compositions d’équipe, résultats sportifs : tout est à portée de clic, sans besoin d’ouvrir un journal ou d’allumer son poste de radio ou télé. De quelle manière les nouveaux médias ont-ils créé leur place dans le monde du journalisme ? C’est le sujet du dernier épisode de notre mini-série : les nouveaux médias.
Par Camille Bluteau, Eva Grenouilleau, Pierre-Louis Boucé et Gilles Augereau
Le journalisme se densifie d’années en années. Pour se réinventer, certains nouveaux médias sont créés sur Internet, c’est ce qu’on appelle des « pure players », des médias 100% web. Développer un média en ligne est devenu accessible à tous. Certains sont gratuits, mais d’autres payants à l’image de Mediapart. Ces médias représentent-ils une certaine concurrence face à la presse papier ou au contraire un complément ?
Entre concurrence…
Parmi les éléments qui viennent concurrencer la presse papier, la rapidité de l’information est un des atouts majeurs, comme l’explique Stéphane Patural, créateur du médias en ligne Loire Football 42, un média web retraçant l’actualité du football amateur de la Loire : “La presse papier locale donne les résultats le lundi matin. Avec des médias comme Loire Football 42, on les a dès le dimanche soir, 30 min ou 1h après la fin du match.” Il ajoute qu’aujourd’hui, tout le monde est équipé d’un téléphone et que cela facilite la transmission d’informations : “Quand un joueur sort des vestiaires ou quand un spectateur sort d’un match, c’est une des premières choses qu’il regarde.” C’est le cas d’Adrien, 22 ans, passionné de sport. Lorsque nous l’avons interrogé, il nous a dit s’informer souvent sur le site internet d’Eurosport ou via La chaîne L’Équipe. Il suit l’actualité sportive sur les pages Facebook, notamment spécialisées dans le football.
Cette dernière source d’information reflète la nouvelle génération. “Pour les jeunes, aujourd’hui, il n’y a que les réseaux sociaux. Ils ne vont pas chercher l’information par eux-mêmes”, nous a déclaré le correspondant de Metro Sport. Cette génération, née avec le net, et les réseaux sociaux dans les mains, a pour réflexe d’attendre de recevoir les notifications de leurs médias préférés sur leur téléphone. 77% des français possèdent un smartphone selon une étude de Deloitte. Sans ces notifications, à l’exception des plus passionnés, ils ne vont pas d’eux-mêmes sur l’application du média.
Photos, vidéos, data, timelines, cartes interactives, infographies… Les pure players permettent une plus grande diversité de traitement d’informations. Le visuel devient ainsi un autre grand atout des nouveaux médias. Ces différents types de visuel sont utilisés par les pure players pour qu’ils puissent se démarquer, et attirer le lectorat. La presse écrite, quant à elle, est légèrement plus restreinte. Elle se limite généralement à une photo par article. “La principale raison me semble être la place, qui est forcément limitée sur le print” selon le correspondant de Metro Sports.
Les nouveaux médias ont donc tout intérêt à trouver de l’originalité pour trouver son public. La page Facebook “La beauté du football” qui comptabilise 1 million de “j’aime” a réussi à se singulariser notamment grâce à la régularité de leurs postes mais aussi grâce à leurs publications originales telles que des sondages, des quizz, etc. “On essaie de fournir des contenus nouveaux : interviews originales, joueurs intéressants, couverture d’événement… ” explique Omar Abedalla, l’un des quatre gérants de la page. Leur média d’informations, créé après leur page Facebook, attire plus de 300 000 visiteurs par mois. Ces derniers viennent par l’intermédiaire de leur compte Facebook, qui leur sert de relais d’informations. Les internautes eux-aussi veulent mettre la main à la pâte pour créer de l’information. Blogs, réseaux sociaux, commentaires … Bien que ce “journalisme amateur” soit de plus en plus répandu sur la toile, peut-on le considérer pour autant comme du journalisme ?
“Être journaliste, ce n’est pas simplement donner une information, c’est une éthique, c’est une déontologie, ce sont des méthodes de travail à acquérir”, affirme le correspondant de Metro Sports. Un raisonnement partagé par la plupart des journalistes confirmés. “C’est le danger, tout le monde peut diffuser ce qu’il veut, sans forcément avoir de formation de journaliste”, nous a confié Sébastien Barrier, créateur de Foot Web Mag.
Cependant, ce phénomène est de plus en plus répandu sur la toile, et crée une certaine concurrence avec les médias du web. Ces “journalistes amateurs” n’ont pas de formation de journaliste, mais ils peuvent pourtant donner des actualités sportives dans l’immédiat, comme le font les nouveaux médias sur internet. Bien que cette concurrence puisse effrayer, Omar Abedalla relativise ce fait : “J’ai l’impression que tout le monde se prend pour un journaliste alors que c’est un métier. Il y a un vrai travail de minutie : recherche d’informations, orthographe et non pas juste publier une information. »
… et complémentarité
Gaël Levavasseur a créé Score n’co il y a quelques années. Son site partage chaque week-end un grand nombre de résultats et couvre l’ensemble des sports collectifs. Ayant pratiqué le volley plus jeune, il aurait aimé avoir un service à l’image de sa start-up à cette époque. ”Pour voir les classements et les résultats des autres matchs, souvent ce qu’on faisait c’est qu’on achetait le journal du lundi matin, puis on allait sur le site de la fédé, qui n’était pas forcément très à jour”. Bien qu’on puisse penser que Score n’co soit, comme la majorité des nouveaux médias sur internet, un concurrent du média traditionnel, il a été sélectionné dans l’accélérateur de start-up de Ouest France, un programme d’accompagnement pour que les start-up se développent plus rapidement. L’objectif de Ouest France, c’est que Score n’co renouvelle leur pôle Recherches et Développement, et teste de nouvelles idées, de nouveaux marchés.
Et réciproquement, afin que Score n’co se fasse une place dans le monde de l’information sportive, Ouest-France l’aide en faisant office de tremplin. Sébastien Barrier ne se considère pas, lui non plus, en concurrence avec les médias traditionnels. Selon lui, ils sont différents sur le fond et sur la forme : la presse a des résultats, des portraits, des rencontres, alors que le web détient l’instantanéité des résultats, des comptes rendus, des flashs, etc. Sébastien nous confie qu’il est souvent en relation avec les journalistes de presse sur le terrain et au téléphone. Pour lui, c’est un avantage d’avoir divers supports pour suivre l’actualité sportive. Concurrence ou non, les nouveaux médias ont besoin de se démarquer pour se faire leur place et se développer. Mais au-delà du développement, c’est la question de l’adaptation qui s’impose, comme l’annonce Metro Sports. “Nous sommes dans une logique d’évoluer à défaut de se développer. […] On ne peut pas traiter l’information comme on la traitait en 2009 ou en 1999. Et probablement comment on la traitera en 2029. Il faut évoluer et toujours bouger, sinon on n’avance plus.” Promesses à suivre…