« Chaque match a son histoire, et de toutes ces histoires, on construit la sienne »
#LesIndispensables - 06 janvier 2020
#ParolesDeCoach. Entre la connaissance pointue de sa discipline, la planification d’un projet global, ou l’indispensable gestion humaine et émotionnelle, l’entraîneur est bien souvent un être fascinant à observer, toujours passionnant à écouter. Ses mots sont cruciaux, car à la base de son action, à savoir faire passer des messages. Pour commencer cette nouvelle année, nous avons choisi de laisser la parole à David Gautier, coach de l’Union Féminine Angers 49 depuis maintenant trois ans. Avec un parcours de joueur au plus haut niveau qui l’a vu travailler avec de grands coachs français des années 2000, le natif de Cholet se veut pratiquant d’un « management participatif et de responsabilisation ».
Propos recueillis par Tony CHRETIEN
Photos : Théo BARILLER-KRINE
Un grand talent du basket français à la carrière inachevée, un destin d’entraineur pas nécessairement tracé
« Je n’ai eu qu’une seule blessure mais elle a mis fin à ma carrière (à 27 ans). J’ai fait neuf ans de suite en Pro A où je n’ai raté qu’un seul match de play-off. Le second que j’ai raté a été le dernier. Ça a été très dur. Je vivais le basket depuis mon enfance et ça a été une période un peu noire de ma vie. J’ai tout de suite eu pour projet de sortir du basket. Nous avons monté, avec ma femme, un centre de remise en forme et je pense que ça aura été une chose hyper importante pour me reconstruire. Il fallait que je fasse le deuil de ma carrière de joueur avant de pouvoir revenir dans le basket. Un ou deux ans après ça, j’ai commencé à revenir en passant mes diplômes d’entraineur mais petit à petit en y allant progressivement, pour voir si ça me plaisait. J’ai passé mon premier diplôme en deux ans alors qu’il peut être passé en trois mois. Je voulais y aller progressivement.
Ma volonté première c’était de redonner. Je m’estime comme étant privilégié d’avoir connu autant de choses, rencontré autant de personnes, visité autant de pays et de villes grâce à mon parcours de joueur. Je voulais redonner aux jeunes notamment, avec lesquels j’ai commencé ma vie d’entraineur. Mon parcours avec les équipes jeunes (en tant que directeur du centre de formation de l’UFAB49 entre autres) m’a permis de comprendre comment fonctionne le monde amateur car je n’avais connu jusqu’ici pratiquement que le monde professionnel. Comment fonctionnent les jeunes joueurs et joueuses, comment se construisent les futurs pros ou tout simplement des jeunes ados. Tout ça pour moi aura été hyper important et enrichissant. »
« Chaque match a son histoire et de toutes ces histoires, on construit la sienne »
« Pour moi, le haut niveau c’est les détails. La somme de tout ce qu’on peut ne pas laisser au hasard fait souvent la différence. Il faut aussi savoir s’adapter au public (groupe de joueurs/joueuses) qu’on a et savoir répondre à sa demande afin de faire fonctionner le mieux possible ce groupe et en prenant compte aussi de l’évolution de la société. J’ai eu la chance de croiser pas mal de coachs dans ma carrière de joueur. Entre les équipes de France (jeunes et A) et les clubs dans lesquels j’ai joué, j’ai côtoyé quasiment toujours des grands coachs qui m’ont influencé comme Eric Girard à Cholet, Frederic Sarre à Gravelines ou encore Claude Bergeaud en équipe de France. Et là il y a forcément plein de choses à prendre, plein de petites choses à aller chercher. Tout au long de ma carrière, j’ai toujours dit : « tiens.. ça j’aime !» et j’ai ensuite essayé de faire la synthèse avec ma propre personnalité en tant que coach à travers ces différentes expériences. J’ai aussi l’expérience du nombre de matchs que j’ai pu jouer en Pro A ou en Europe. Chaque match a son histoire et de toutes ces histoires, on construit la sienne. »
« Je ne ferai pas n’importe quoi pour réussir »
« Il y a de tout dans le basket : Des coachs qui commandent et avec lesquels il y a très peu de discussion possible, d’autres avec qui il y a beaucoup de discussions et encore d’autres qui sont dans la collaboration. Moi j’ai envie d’être dans un management participatif et de responsabilisation. Ceci étant dit, ça n’est pas toujours simple, notamment dans le basket féminin. Certaines filles me disent qu’elles ont beaucoup appris, au final, à faire ce qu’on leur dit donc pour beaucoup d’entre elles c’est souvent une nouvelle façon de travailler. J’essaie de m’adapter aussi car c’est la façon dont moi je vois les choses mais je ne sais pas si c’est toujours la meilleure des choses pour le basket féminin notamment. Ça dépend du vécu de la joueuse, de son âge peut-être et de sa manière de voir les choses car la responsabilisation c’est prendre des initiatives et ça n’est pas toujours facile surtout quand on n’y a pas été habitué et que ça peut influer sur toute l’équipe.
Le droit à l’erreur est quelque chose d’important pour moi parce qu’on peut tous se tromper. Certaines joueuses ont besoin d’être guidée là-dessus et ce n’est pas toujours compris du premier coup mais ce sont des valeurs qui sont importantes à mes yeux. Je ne ferai, ni n’exigerai de mes joueuses pas n’importe quoi pour réussir. Dans ma carrière de joueur, j’ai vécu beaucoup de bons moments mais j’ai également souffert de certaines choses avec certains coachs et je ne veux pas faire revivre ça donc je serai toujours honnête et droit, que cela plaise ou non. »
« Le basket féminin s’appuie plus sur le collectif que le basket masculin »
« Dans les qualités d’adresse, de technique, le basket féminin et le basket masculin sont assez similaires au final. Il y a forcément une différence physique qui fait que dans le basket masculin ont peut se créer les choses plus facilement tout seul. Dans le basket féminin, c’est plus rare et cela influe sur le côté tactique. Dans le basket féminin, on a besoin de plus s’appuyer sur le collectif. C’est pour moi la différence marquante. On peut trouver des différences également dans la façon de réagir et dans l’état d’esprit. Chez les hommes, quand il se passe des choses positives ou négatives, ça peut monter très vite dans les émotions. On peut plus facilement s’énerver mais aussi partager plus d’émotions positives sur le moment présent que les filles mais ça retombe aussi très vite. Chez les féminines, c’est plus mesuré et discret. C’est plus compliqué de mettre beaucoup d’expression orale. En cela c’est différent de manager un groupe de basketteurs ou de basketteuses. »
« Le danger numéro un du sport de haut niveau : le confort »
« On a la chance à l’UFAB49 d’être parmi les gros clubs du championnats et de pouvoir ainsi attirer des joueuses dominantes et des joueuses majeures du championnat. La complexité c’est de ne pas savoir au moment où le marché des transferts féminin est le plus actif, entre février et mars-avril à quel niveau nous évoluerons la saison suivante, en LFB ou bien encore en LF2. Ce qui fait que nous sommes toujours obligés de penser aux deux hypothèses et ce qui nous amène à faire des compromis. C’est un peu dommage et c’est la raison pour laquelle c’est dur de s’engager dans le temps. À côté de ça, nous avons d’autres atouts en notre faveur que sont les installations et les infrastructures que le club a mis en place. L’UFAB49 est un des clubs les mieux structurés de la division, si ce n’est le plus structuré et la qualité de vie à Angers est aussi attractive. Ce qu’il faut aussi c’est faire attention à ne pas trop tomber dans le confort car c’est le danger numéro un du sport de haut niveau. À un moment donné, on doit être bien dans sa tête, bien dans sa vie et dans sa ville mais pour performer, pas pour s’endormir. »
« La joueuse avec laquelle j’ai préféré travailler ? C’est la réponse qu’un coach ne doit pas donner ! »
« La joueuse avec laquelle j’ai préféré travailler ? C’est la réponse qu’un coach ne doit pas donner ! (Rires). En vérité il y en a eu beaucoup donc en mettre une plus en avant qu’une autre ne serait pas sympa. Ça peut prendre plusieurs formes différentes. Entre les joueuses avec qui j’ai plus de complicité, d’autres dont on sait qu’on peut avoir confiance quoi qu’il arrive ou celles qui nous procurent beaucoup d’émotions et qui, même dans les difficultés, m’ont fait grandir… Donc non, je ne pourrais pas en citer qu’une mais il y a beaucoup de bonnes choses à retenir. Les profils dans un effectif sont tous différents. Il y a les jeunes joueuses qui sortent de formation et qui ont envie de jouer autant que les confirmées et il faut trouver le bon équilibre. C’est un travail au quotidien mais on y arrive plutôt bien. Aujourd’hui tout le monde est un peu impatient et a tendance vouloir tout très vite. »