#2 Marie Rivereau
Marie Rivereau met la barre toujours plus haut
Place à notre deuxième lauréate 2020, Marie Rivereau, perchiste de 25 ans. En progression constante depuis trois ans, la licenciée de l’Entente Angevine Athlétisme (E2A) vise toujours plus haut sans cacher sa surdité, pour prouver que le handicap peut être une force.
Par Charles DUBRE-BEDUNEAU
Photos: Théo Bariller-KRINE
Blessée aux ischios, Marie Rivereau n’a pas pu prendre part aux championnats de France Elite organisés à Albi les 12 et 13 septembre derniers. Après une saison perturbée par la crise sanitaire puis cette blessure, savoir qu’elle figurait parmi les trois lauréats 2020 de l’association lui a redonné le sourire. « C’est une super nouvelle et une très belle surprise !, confie-t-elle, enthousiaste. J’avais déposé un dossier car je connais Amandine Brossier et Alexandra Aubry, deux athlètes que j’admire et qui m’inspirent beaucoup. Mais je n’imaginais pas du tout être choisie. Je suis vraiment honorée et ça me donne encore plus envie de reprendre l’entraînement en vue de la saison hivernale. »
Formée à la rigueur de la gymnastique
La dalle, Marie l’a depuis toute petite. Depuis qu’elle a commencé à faire de la gymnastique. Papa ancien handballeur, maman professeure d’EPS, un frère en équipe de France de foot des sourds… « J’ai baigné dans le sport depuis toute petite. » Elle découvre le saut à la perche au collège et brille lors des championnats scolaires mais attend encore quelques années avant de lâcher définitivement le justaucorps pour les pointes et la piste d’athlétisme. « Vers 17-18 ans la gym m’a lassé, je ne progressais plus vraiment. J’avais envie d’autre chose. J’avais bien aimé les sensations en saut à la perche, notamment quand on est propulsé par la perche et qu’on vole au-dessus de la barre… et puis comme je me débrouillais pas mal, j’ai décidé de me lancer à 100% dedans. Je ne pense pas que ça soit un hasard au final car je suis quelqu’un de très perfectionniste, je place toujours la barre très haut dans tout ce que j’entreprends. »
Si les deux disciplines ne sont pas incompatibles, notamment dans la coordination des mouvements, l’ancienne gymnaste a du d’abord apprendre à bien courir… pour ensuite bien sauter. « La course c’est essentiel à la perche, c’est la base du saut. Il faut être tonique et rapide pour transmettre l’énergie de la foulée dans la perche. Au début je courais les bras collés au corps, toute raide, se souvient-elle avec le sourire. Heureusement depuis j’ai progressé mais je sais qu’il me reste encore beaucoup de travail à faire là-dessus. Je pense que j’ai une belle marge de progression devant moi. »
Le handicap, un défi supplémentaire à relever
La jeune perchiste angevine doit surtout composer avec le fait qu’elle est sourde de naissance. Mais il en faut plus pour l’arrêter. « Pour moi c’est un défi. Mais je veux me prouver à moi-même et aux autres que je peux performer comme tout le monde, avec les valides. Je veux faire de ce handicap une force et non une faiblesse. » Dans les concours, Marie est obligée de porter ses prothèses auditives. Pas le choix, « sinon, je n’ai plus de repères, je suis déséquilibrée. Mais j’ai l’habitude maintenant. » Cela lui permet aussi de capter l’ambiance et d’entendre les encouragements du public. « J’aime ça, ça me booste ! Mais si besoin je peux aussi facilement me couper du bruit pour me mettre dans ma bulle. » Son compagnon, Théo Moreau, triathlète à l’ASPTT, dépasse lui aussi sa surdité pour s’attaquer à des Ironman.
Saison après saison, grâce aux conseils avisés de son coach à l’E2A Martin Boigné, notre lauréate franchit des barres de plus en plus hautes, jusqu’à atteindre 4,20 m, son record personnel, lors des derniers championnats de France élite en salle en février à Liévin (la 5e meilleure performance de la saison en plein air en France, la 6e en salle). « Je me suis fait plaisir et la perf est sortie toute seule ! » Malgré sa récente blessure, elle pense déjà à ses prochains objectifs: passer 4,30 m, accrocher un podium aux prochains championnats de France élite qui auront lieu chez elle, à Angers, en 2021 et participer à un championnat d’Europe (minima à 4,45 m). « Mon objectif ultime c’est 4,50 m. Il y a évidemment encore du boulot mais je vais tout donner pour y arriver. »
Faute d’infrastructure en intérieur à Angers, notre dalleuse doit se rendre plusieurs fois par semaine pour sauter au pôle perche à Nantes, où elle est désormais coachée par Alain Donias. Quand elle n’est pas sur la piste ou en préparation physique, Marie est animatrice à mi-temps auprès de personnes âgées. Elle aime les aider à « créer du lien ». Elle aime aussi passer du temps en famille et cuisiner. Une championne qui aime les choses simples, qui préfère laisser ses performances parler pour elle, qui sait être à l’écoute de son corps et des autres, et qui sait surtout ce qu’elle veut: sauter toujours plus haut.