Adrien Clémenceau, la Volga à la force des bras
#LeSportPartout - 16 mars 2022
#LeSportPartout. Explorateur aux multiples casquettes, Adrien Clémenceau vient de publier « Dans les bras de la Volga » (éditions Transboréal), le récit de 82 jours en kayak et en totale autonomie, réalisés à l’automne 2019. Le natif de Bouchemaine, habitué à pagayer depuis son plus jeune âge sur la Maine et la Loire, y raconte cette aventure « ethno-sportive » sur le plus long fleuve d’Europe (3 531 km), à la découverte du « far est », dans les pas d’Alexandre Dumas.
Par Charles Dubré-Beduneau
Photos: Adrien Clémenceau
Le point de départ pour vivre les plus belles aventures est souvent d’oser sortir de sa zone de confort, de se forcer à aller vers l’inconnu. Adrien Clémenceau avait cette pensée, cette obsession même, qui l’empêchait de dormir la nuit: comment faire du kayak sur la Volga ? « Bien que je pratique le kayak depuis mon enfance sur la Maine et la Loire, je n’avais jamais parcouru des milliers de kilomètres d’une traite, avoue-t-il. Pour mon premier grand voyage fluvial, la Russie s’est imposée d’elle-même, aussi parce que j’étudie sa langue. Quant à l’idée de suivre la Volga, elle me paraissait le meilleur moyen de sortir des sentiers battus. Depuis le passage d’Alexandre Dumas en 1858, en bateau à vapeur, la Russie s’est métamorphosée. Mais la Volga reste cette gigantesque et magistrale artère qui contiendrait tous les secrets de la terre et de l’âme russes. »
Un combat physique contre les éléments
D’août à novembre 2019, le kayakiste angevin a donc descendu la Volga de sa source à la mer Caspienne (soit environ 3 500 km), à bord d’un kayak pliable (ossature en aluminium et peau en PVC) et avec de légers bagages (de quoi bivouaquer et se restaurer notamment). S’il ne l’a pas fait dans un esprit de performance, mais plutôt avec « un regard littéraire », ce défi a exigé des efforts physiques extraordinaires pendant trois mois. « Physiquement ça a été assez dur: on pourrait croire qu’à force de pagayer le kayakiste se forge une carrure de colosse ; c’est souvent tout le contraire qui se produit. J’ai brulé beaucoup de graisse sans prendre de masse, résultat: plus de fesses, et mes jambes étaient minces comme des cannes d’émeu. Après 45 jours, j’avais tellement mal aux articulations des mains, à force d’être cramponné à la pagaie, que ça me réveillait la nuit. Le vent soufflait tellement fort par moment que chaque kilomètre était un combat. Malgré les souffrances, le froid et l’éloignement, j’étais porté par un sentiment de félicité, un mélange de joie et de poésie: naviguer me fait me sentir vivant. »
Découverte de la culture du canoë-kayak russe
Lors de plusieurs étapes de son périple, Adrien a été chaleureusement accueilli par des clubs de kayak. « C’était à la fois une chance de découvrir la culture du canoë-kayak en Russie, tout en sachant que mon matériel était en sécurité pour la nuit. La base nautique de Tver, qui porte le nom d’Antonina Seredina, championne olympique de course en ligne à Rome en 1960 et à Mexico en 1968, met beaucoup de vieux bateaux à disposition des jeunes. Les infrastructures sont modestes: il n’y a pas de douche, les vestiaires sont spartiates et les toilettes se trouvent dans une cabane au fond de la cour. Ce n’était pas prévu, mais j’ai profité de mon passage pour courir le semi-marathon de la ville. C’était seulement une semaine après mon départ, j’avais encore de l’énergie ! En Russie, on dit que courir est réservé aux propriétaires de mauvais canapés… » Il faut dire que l »été, Adrien est un des guides du « Angers Running Tour », ces visites de la ville qui se font en courant.
Le « Mike Horn » angevin
S’il n’a pas eu à chasser pour se nourrir, Adrien a « pêché » un poisson de la Volga. « En fait je l’ai assommé avec ma pagaie, avant de le cuisiner et de le manger. J’étais plutôt fier de moi, il y avait un petit côté Mike Horn ! (rires) Même si on m’a dit après qu’il n’était pas conseillé de les consommer car il y a pas mal de rejets toxiques dans la Volga… » Jusque dans les villages les plus reculés des républiques de Tchouvachie, du Mari El, du Tatarstan ou encore de Kalmoukie, Adrien a bénéficié de la grande générosité des riverains de la Volga. « Beaucoup m’ont pris pour un fou et m’ont déconseillé de continuer mais m’ont spontanément offert de la nourriture et/ou l’hospitalité. J’ai passé 28 nuits chez l’habitant. J’en garde de très bons souvenirs. » Il a aussi été à la rencontre de jeunes russes au sein des Alliances françaises de Kazan, Samara et Saratov.« Ils étaient très curieux, surtout au sujet de la Loire », se souvient Adrien.
Le choix de la lenteur
En s’imposant le choix de la lenteur, en se confrontant à un fleuve immense (pratiquement une mer intérieure à certains endroits) et imprévisible, l’aventurier angevin écrit dans son livre qu’il a « éprouvé plus intensément chaque minute de mon séjour terrestre ». En attendant de repartir en voyage, le Bouchemainois travaille dans les vignes du côté de Rochefort-sur-Loire et participe à l’organisation de la première édition de « La Loire 725 »: 200 kayaks et stand-up paddles relieront Roanne (Loire) et Paimboeuf (Loire-Atlantique) du 19 au 25 juin prochain, soit 725 km en sept jours, ce qui en fera la course de pagaie la plus longue du monde.