“Ma Dalle Intime” par Jason Tesson
#MaDalleIntime - 12 octobre 2022
#MaDalleIntime. 10 questions, 10 sillons à creuser pour interroger en profondeur la manière de vivre le sport de nos athlètes locaux. Pour réveiller aussi leurs souvenirs, identifier les moments décisifs, partager leurs sources de motivation… Une dalle angevine, une dalle intime que nous confie le cycliste professionnel Jason Tesson, né à Angers il y a 24 ans, un vrai sprinteur qui a malheureusement terminé sa saison 2022 sur une chute le 2 octobre dernier sur le Tour de Vendée. Interview.
Texte : Valentin Deudon
Photos : Flore Cauwelier (une) ; Auguste Devaire (bas de page) ; Archives Jason Tesson
1- Pourquoi aimes-tu tant ton sport, qu’est-ce qui te plait en lui? Parles-nous de ton plaisir à le pratiquer.
J’ai toujours aimé la vitesse, d’autant plus sans moteur, pour les sensations qu’elle me procure. Le vélo représente aussi pour moi un moyen de déplacement super intéressant, quel que soit le niveau de celui ou celle qui pédale. Avec lui on fait du sport et on voyage en même temps. J’adore la compétition bien sûr, mais j’adore aussi m’entraîner, prendre mon vélo et partir. Je peux aller voir la mer, croiser des animaux, profiter de la nature et d’une forme de liberté, en appréciant vraiment le moment. C’est une vraie chance.
2- Un moment fondateur, décisif, qui a déclenché cet amour pour le vélo, ce besoin d’en faire un métier?
Ca remonte à mon enfance… C’était en 2004, j’avais 4 ans, et comme mes grandes sœurs je pratiquais déjà le vélo depuis peu dans le club présidé par mon grand-père, le GPCA (Guidon Pédale Club Angevin, ndlr). Avec les autres jeunes licenciés des clubs alentour, nous avons participé à une petite démonstration lors de l’arrivée de l’étape du Tour de France à Angers, boulevard Foch, en faisant le dernier kilomètre avant l’arrivée des pros. J’en garde un souvenir assez diffus mais très marquant. J’étais le plus jeune, je revois cette foule bruyante qui m’encourageait… Je crois que c’est ce qui m’a donné envie de faire des courses, de la compétition.
3- Quel personnage de ton environnement proche a été fondamental dans ton éducation sportive?
Damien Gaudin, un ancien cycliste professionnel originaire de Beaupréau, qui est de 9 ans mon aîné. C’était clairement mon idole, il me faisait rêver étant jeune, j’allais le voir sur des courses, je l’admirais de loin… Et puis l’âge avançant, on a commencé à courir ensemble. Nous avons même fait une année en commun chez les pros, lui sa dernière avant de raccrocher il y a un an, moi ma première. Au final, c’est devenu un vrai ami, un partenaire d’entraînement, et un conseiller très important qui va continuer à m’aider dans ma carrière.
4- Où et comment puises-tu ta motivation, comment tu la régénères dans les périodes difficiles?
Les moments difficiles existent, la preuve dernièrement avec cette chute, juste avant la fin de saison, qui m’a fait passer quelques jours sans sommeil à cause d’une douleur à l’épaule. Mais je me focalise alors sur moi, sur ce que je veux, et quand c’est dur je me dis qu’il y a pire… Il y a toujours pire. Je suis issu d’une famille modeste et je mesure constamment ma chance de faire ce métier, d’avoir un bon salaire, de vivre ma passion. Je ferai toujours le maximum pour me relever et rester où je suis.
5- Un mal de ton sport que tu aimerais voir disparaitre, un espoir de changement pour son avenir ?
Je vais parler du dopage. Car j’aimerais changer l’image du vélo, que tout le monde comprenne qu’il y une sincérité dans les efforts qu’on fait toute l’année, et que non, nous ne sommes pas tous des dopés… Nous sommes beaucoup contrôlés, localisés, et c’est très bien ainsi. La fraude existe encore certes, mais c’est une minorité, et j’espère qu’un jour on changera la réputation de ce sport.
6- Une création autour de ton sport (série, film, docu, livre, BD, spectacle, œuvre…) qui t’a marqué?
D’abord, une série Netflix en immersion dans l’équipe cycliste professionnelle Movistar, où on est au cœur de la vie des coureurs, de l’univers des mécanos, avec les directeurs sportifs pour la stratégie… C’est très intéressant. Et puis le livre de Peter Sagan, un coureur que j’adore et dont je vais rejoindre l’équipe la saison prochaine (Jason passera en 2023 de l’équipe St Michel Auber 93 à Total Direct Energies, ndlr). C’est une biographie dans laquelle il raconte plein de courses, des anecdotes, la réalité d’un cycliste.
7- La dernière fois que tu as pleuré, de peine ou de joie, par le sport? Peux-tu nous expliquer cette émotion.
La dernière fois, c’était cette chute récente, mais je n’ai pas envie de parler de ça. J’ai plutôt envie de citer mon titre de champion de France amateur il y a 2 ans, une victoire très importante. Je me souviens juste après l’arrivée être tombé sur mes proches, la famille, les amis… C’était très fort comme émotion, tout le monde pleurait de joie, moi aussi. C’est le genre de moment qui révèle d’un seul coup pour quoi et pour qui on fait tout ça. Un souvenir incroyable.
8- Un autre sport passionnant, que tu aurais aimé pratiquer, que tu pratiques aussi peut-être?
Le football ! J’adore ce sport, je suis tous les jours son actualité, je vais voir pas mal de matchs au stade quand je peux, au Parc des Princes surtout depuis que je vis sur Paris. Je suis supporter du PSG depuis tout petit, mais je vais aussi voir jouer Nantes à La Beaujoire et parfois le SCO quand j’en ai l’occasion. Je joue un peu l’hiver, en reprise, du futsal avec des amis, mais en faisant attention car c’est beaucoup plus traumatisant pour les muscles que le vélo.
9- Un lieu important, un décor puissant dans ton histoire avec ton sport, dans lequel tu te sens bien?
Je dirais les bords de Loire. De Saumur à Saint-Nazaire, je les ai tellement arpentés sur le vélo ! Sur les deux rives, dans les deux sens, à n’importe quelle heure, par tous les temps… J’y ai mes repères et j’apprécie beaucoup ce décor.
10- Un objet qui compte beaucoup et que tu as besoin d’avoir près de toi, à la maison ou en compétition?
Une bague en argent que m’a offert ma grand-mère quand j’avais 10 ans, sa première bague. Une grand-mère qui fait d’ailleurs beaucoup de vélo elle aussi. Je l’ai attachée à une chaine que je porte tout le temps autour du cou. Je sais que si je ne l’avais pas sur moi, je le sentirais, quelque chose me manquerait… C’est un objet symbolique, qui possède une valeur sentimentale. Je pense que la garderai à vie, elle représente aussi la force et l’importance du lien avec ma famille.