Arthur Chiron, le skate à la base de la création
#LeSportPartout - 09 mars 2023
Artiste plasticien formé à l’école supérieure d’art et de design d’Angers, Arthur Chiron, 35 ans, est entré dans l’univers créatif grâce à sa passion pour le skate. Avant d’élargir son spectre artistique… Rencontre !
Texte : Valentin Deudon
Photos : Franck Potvin
Un morceau de bitume sale et quelques rampes usées leur suffisent. Un peu d’insouciance et de témérité aussi. Sur leur planche en bois, ils défient la gravité et la routine des jours qui passent trop platement. Ils s’envolent, créent des figures dans l’air idéal, embellissent l’instant, poussent des cris de joie. Ou de douleur quand ils chutent. Mais toujours ils se relèvent pour tenter à nouveau, s’entraînant et s’entraidant les uns les autres, car ces sportifs-là ne savent vivre qu’ensemble, en essaim. Arthur Chiron fut l’un d’entre eux, un skater, un vrai: «Je faisais partie d’un groupe très soudé dispersé entre Angers, Tours, Le Mans et La Rochelle. Il nous arrivait de fréquenter les skateparks, mais notre véritable intérêt se trouvait plutôt dans la quête de nouveaux spots dans la rue. On sillonnait chaque recoin de nos villes, de jour comme de nuit, pour trouver un nouveau décor, l’endroit idéal où réussir à placer la bonne figure… Entre 13 et 23 ans, et surtout à la majorité, je ne vivais que pour le skate».
Quelques années plus tard, à 35 piges, force est de constater que cet univers à l’époque exclusif l’a éveillé, lui apportant «une orientation esthétique» et «des idées pour la suite». Grâce notamment à l’artiste Raphaël Zarka: «Mon intérêt pour l’art contemporain s’est manifesté à la découverte de son travail autour de 2008. J’ai été attiré par sa manière de sortir le skate du seul aspect ludique que je lui connaissais, pour en faire un objet d’étude scientifique, historique, sociologique, mais surtout esthétique. C’est cette porte d’entrée par le skate qui m’a amené à regarder l’art de plus près». Un déclic qui réveille des feux anciens et allume des désirs nouveaux, lui qui a alors en poche un Bac Pro et une formation en dessin technique, mais aussi un job d’infographiste dans un cabinet d’architecture. Qu’il stoppe pour reprendre ses études, à l’école supérieure d’art et de design d’Angers, à 23 ans: «Là, j’ai ralenti le skate, car j’ai découvert un autre monde, rencontré de nouveaux centres d’intérêt».
En 2019, Inside O.U.T., une expo skatable dans le forum du Quai
Pendant et après sa formation, Arthur Chiron multiplie les projets en tant qu’artiste plasticien, affine sa démarche et élargit ses horizons, jusqu’à ce que le skate lui fasse signe à nouveau, en 2019, au théâtre Le Quai, avec cette exposition intitulée Inside O.U.T. (à l’image ci-dessus): «La commande du Quai était d’aménager un skatepark dans l’espace de son forum. Ca a pris la forme de deux sculptures de 2m50 de haut, des sortes de puzzles en 3D composés chacun de 16 modules imbriqués les uns dans les autres, qui une fois démontés et répartis devenaient un terrain de jeu à explorer par et pour les skaters». Une installation lui permettant également de saluer l’approche de Raphaël Zarka: «Le skate, même si j’y étais attaché, n’était pas un sujet artistique pour moi. Il s’agissait donc de trouver le moyen d’être en accord avec mes préoccupations du moment, sans pour autant copier le travail de Raphaël Zarka. M’intéressant à la notion de citation, j’ai donc abordé Inside O.U.T. par la réalisation de ces deux rhombicuboctaèdres, qui font écho à son œuvre et m’ont permis d’assumer la référence à un pair».
Natif de Châteaubriant, en Loire-Atlantique, Arthur a débarqué à Trélazé à l’adolescence avec ses parents. Il vit aujourd’hui à Oudon, près d’Ancenis, et passe régulièrement par Angers pour visiter sa famille, mais aussi à l’école supérieure d’art et de design (anciennement dite « les Beaux-Arts »), côté intervenant cette fois, pour des workshops ou des interventions auprès des étudiants. Le skate, même s’il en suit encore l’actualité, est lui entreposé quelque part chez lui, avec les autres souvenirs de jeunesse. A présent, c’est plutôt l’escalade qui l’anime: «J’en fais trois fois par semaine dans un club associatif. J’y trouve pas mal de points communs avec le skate. Le fait que ces pratiques ne répondent pas à un terrain normalisé, que les notions de chorégraphie, de style ou de grâce aient tout autant de valeur, sinon plus, que celle de la performance». L’escalade, mais aussi le vélo, thème d’un grand projet en cours…
En 2024, Paris-Roubaix en version rêve américain !
Tout est parti d’une résidence d’artiste à La Condition Publique à Roubaix, dans le Nord. En marge de ses recherches sur un autre projet, Arthur fait une petite découverte: «J’ai revisionné le film Paris, Texas de Wim Wenders qui m’a rappelé l’existence de cet autre Paris américain. Sans rien attendre, un soir chez moi devant l’ordinateur, j’ai tapé Roubaix sur Google et j’ai découvert cette ville du Dakota du Sud, créée au XIXe siècle par un Roubaisien immigré». Surtout, la ligne entre Paris et Roubaix version US (à l’image), qui rappelle bien sûr le nom de la célèbre course cycliste, dessine à travers les Etats-Unis un itinéraire qui captive notre artiste… Il n’en fallait pas plus pour entamer un projet fou et rendre un voyage absolument nécessaire.
«Je ne suis pas cycliste à la base, je fais juste du vélo pour me déplacer», explique celui qui est tout de même le petit-fils de Norbert Esnault, qui a participé au Tour de France en 1953! «Mais cet itinéraire allait bien au-delà de la simple anecdote. J’avais sous les yeux une véritable traversée du pays du sud vers le nord, perpendiculaire aux trajets des récits de Kerouac, de la route 66, de la colonisation du far west et de bien d’autres histoires. Tous ces éléments m’ont amené à vouloir concrétiser ce périple de plus de 1700km à vélo, en écho à la fameuse course cycliste». En attendant le départ (prévu en avril 2024 le jour du départ de Paris-Roubaix), avec l’idée d’un récit au retour (sûrement sous la forme d’un livre collectif), l’initiative prend vie jusqu’au 2 avril au Musée d’Art et d’Histoire de Cholet, dans le cadre de l’exposition Mix, à savoir un home trainer connecté à un écran, sur lequel chaque visiteur peut pédaler pour faire avancer le curseur sur la vue satellite entre Paris, Texas et Roubaix, Dakota du Sud… Mais ce qui intéresse Arthur, c’est bien «de partir, de faire le véritable voyage. J’ai trop fantasmé ce périple pour ne pas aller jusqu’au bout».
Danse et skate en avril au CNDC !
Skate et création toujours les 13 et 14 avril prochains au Quai avec le spectacle Skatepark, dans le cadre de la programmation du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers. La chorégraphe danoise Mette Ingvartsen y orchestre une rencontre intergénérationnelle entre des skateuses et skateurs adolescents et des danseuses et danseurs professionnels. Dans Skatepark, la scène devient un lieu d’expérimentations et d’échanges entre deux mondes qui ont plus en commun que ce qu’on voudrait bien croire.
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