Stéphane Gourichon: « Les Jeux de Sydney, une super expérience »
#VersLesJeux - 12 novembre 2023
Alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques auront lieu l’été prochain, #LaDalleAngevine vous propose une nouvelle série cette saison : chaque mois, un article autour des Jeux et d’Angers. Pour ce deuxième épisode, rencontre avec Stéphane Gourichon, 46 ans, qui a participé aux Jeux Olympiques de Sydney (2000) en canoë-kayak. Aujourd’hui à la tête de l’entreprise de pagaies Select Paddles à Bouchemaine, il revient sur cette expérience un peu inattendue mais inoubliable.
Texte et photos : Charles Dubré-Beduneau
La qualification
« Ma spécialité était le sprint, sur 1000 m, dans un bateau avec quatre kayakistes (K4). J’étais positionné à l’arrière. Mon parcours a été un peu atypique. En 1996, j’avais 19 ans et je ne faisais quasiment plus de kayak car j’avais trouvé un travail avec lequel ce n’était tout simplement pas compatible. En 1997, un de mes entraîneurs m’a conseillé de rejoindre le bataillon de Joinville. J’y suis rentré à la fin de cette année-là. Les conditions d’entraînement là-bas étaient ultra avantageuses: on mangeait, on s’entraînait, on dormait. Ça s’est plutôt bien passé puisqu’à la fin de l’année 1998 j’ai été sélectionné pour mes premiers championnats du monde, en Hongrie. C’était une découverte et ça a été difficile. Mais je me souviens que j’avais gardé la carte postale qu’un copain m’avait envoyée quelques années plus tôt et sur laquelle il avait écrit « dans dix ans c’est les JO de Sydney, il faut que tu y ailles ! ». Donc à mon retour des mondiaux je me suis entraîné encore plus fort. Fin 1999, aux mondiaux à Milan, on réussit, non sans difficultés, à qualifier le bateau pour les Jeux. Sachant que la spécificité du kayak c’est que ce n’est pas parce qu’on a qualifié le bateau qu’on est sûr qu’on sera dedans. C’est un processus long et complexe, trop sans doute. Mais en tout cas, à partir de ce moment là, l’année olympique commence: on fait des stages un peu partout, on va même une fois en Australie pour reconnaître le bassin. Il y a ensuite pas mal d’étapes pour sélectionner l’équipage et aussi, il faut le dire, de la stratégie de la part des uns et des autres pour sécuriser sa place… Mais moi je m’en foutais un peu des stratégies et finalement je suis arrivé premier ! Je n’ai donc su qu’en mai que j’allais disputer les Jeux, organisés en septembre. »
La dernière ligne droite
« Une fois que l’équipage est sélectionné, on entre dans la phase terminale de la préparation. Au mois d’août on était en stage sur Paris et on s’entraînait en horaires de plus en plus décalés pour essayer de s’adapter au décalage horaire. Pour la petite histoire, il ne fallait pas qu’on dorme dans l’avion et moi qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai dormi ! Donc j’ai ruiné toute notre préparation… (rires) Heureusement, on est arrivé la veille de la cérémonie d’ouverture et notre compétition n’avait lieu que la deuxième semaine. On partageait le bassin avec l’aviron, dont les compétitions se déroulaient la première semaine (avec le kayak slalom). »
La cérémonie d’ouverture
« C’est effectivement un moment assez fort, surtout pour un petit sport comme le nôtre. On ne savait pas trop à quoi s’attendre. On logeait dans le village olympique juste en face du stade, qui était illuminé en bleu le soir, il était magnifique. Deux minutes avant d’entrer dans le stade, en attendant notre tour avec les autres délégations, on entendait du bruit mais on ne se rendait pas compte de ce que c’était. C’est seulement quand on rentre dans le stade qu’on se dit « ça y est, on y est vraiment ». Voir un stade plein depuis la pelouse c’est beaucoup plus impressionnant que depuis les tribunes en tant que spectateur… C’était vraiment sympa à vivre. Mais ça passe très vite. Dès le lendemain, tout le monde bascule dans sa préparation et sa compétition. »
Le village olympique
« Il y avait de la sécurité bien sûr mais le contexte était moins anxiogène qu’aujourd’hui. On était un an avant le 11 septembre 2001, il y avait une certaine insouciance, on n’avait pas en tête cette peur d’être victime d’un attentat… Ce que j’ai bien aimé c’était de découvrir la préparation de plein d’autres athlètes. En kayak on a notre propre routine: on se prépare, on va au bassin, on s’entraîne, on revient, on va courir, etc. Et dans le village, du matin au soir, on voyait des athlètes qui se préparaient, sans pour autant connaître leur nationalité (même si on pouvait la deviner avec leurs vêtements) ni leur sport. Je me rappelle d’une fois, on faisait un petit footing autour du stade et on arrive au niveau de trois marcheurs russes. Je ne sais pas trop pourquoi je me mets à marcher comme eux. Mais d’un coup, ils baissent la tête, ils accélèrent et me laissent littéralement sur place. C’était assez rigolo. C’est là qu’on se rend compte qu’il y a des disciplines ultra techniques. Dans le village on pouvait manger des plats de tous les pays (y compris McDonald’s…), à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. C’est comme une ville… mais fermée. Une sorte de prison dorée en fait. »
Stéphane Gourichon produit aujourd'hui des pagaies à Bouchemaine.
La course olympique, enfin
« On a quitté le village à l’issue de la première semaine pour se rapprocher du bassin de compétition. La fédération avait loué des maisons à environ 5 km de là. Ce n’est plus du tout la même ambiance: on se retrouve juste entre nous, avec le staff, et on sent qu’on rentre dans le dernier protocole qui va nous emmener jusqu’aux épreuves. On partageait le bateau avec un gars qui était aussi en lice en monoplace. Les jours qui précédent la course il y a beaucoup d’attente. On regarde les autres courses, il faut rester chaud, concentré… Il y a pas mal de tension et de l’impatience puisque ça fait plus d’un an qu’on a qualifié le bateau… Le sportif est autocentré et ce n’est qu’une fois qu’on est rentré à la maison qu’on se rend compte à quel point tout gravite autour de nous à ce moment-là. On était un peu trop légers pour ramener une médaille (5e place au repêchage). Sachant aussi que la moitié de l’équipage de notre bateau avait été renouvelé seulement quelques mois avant les Jeux… Pour moi participer aux Jeux était déjà un bel accomplissement sachant que moins de quatre ans avant j’étais sur le point de tout arrêter. »
Les Jeux, pas une obsession
« Honnêtement, faire les Jeux n’était pas un rêve pour moi. Par contre j’ai toujours eu l’esprit de compétition et j’ai tendance à ne pas lâcher, et pas qu’en sport d’ailleurs, quand la situation est difficile. Donc il ne m’en pas fallu beaucoup en 1997 pour que je me replonge dans les entraînements, y compris quand il faisait froid et nuit, et les compétitions. Une fois que j’avais remis le doigt dans l’engrenage, c’était parti. J’étais jeune et je ne me rendais pas vraiment compte de mon potentiel ni des enjeux… Au début les gars qui étaient installés en équipe de France ne voulaient pas trop de moi, mais petit à petit je me suis imposé en les battant largement lors des sélections. »
Sydney, le dépaysement total
« Chacun le vit différemment, c’est très personnel. Moi j’ai vécu une super expérience. Tous les éléments étaient réunis: participer à la compétition la plus importante au monde, à l’autre bout de la planète. Après coup, la famille et les amis vous disent qu’ils se sont levés en pleine nuit pour regarder votre course… c’est là qu’on réalise qu’on a participé à quelque chose d’énorme. En plus Sydney c’était le dépaysement total, un aspect que n’auront pas les athlètes français qui feront les Jeux de Paris l’an prochain. La Fédération nous avait donné des cartes postales toutes prêtes à envoyer à nos proches et sponsors, c’était sympa. J’y suis retourné avec ma femme il y a quelques années, je suis allé voir le bassin olympique… Contrairement à Athènes les infrastructures n’ont pas été laissées à l’abandon à l’issue des Jeux, c’est bien. Comme je l’ai dit, on ne prend vraiment la mesure de tout ça qu’une fois sa carrière terminée. »
Si vous l’avez manqué, le premier épisode de notre série #VersLesJeux avec Alexis Delplace, est en ligne ici.
Les autres Angevins qui ont connu les Jeux
Les plus connus sont Nicolas Touzaint (équitation, il a participé aux six derniers JO, médaillé d’or par équipe aux JO d’Athènes en 2004 et médaillé de bronze par équipe aux JO de Tokyo en 2021), Nicolas Mahut (tennis, JO de Rio 2016 et Tokyo), Claire Supiot ((para)natation, JO de Séoul en 1988 et Paralympiques de Tokyo), Amandine Brossier (400m, JO de Tokyo) ou encore Matéo Bohéas (para tennis de table, médaillé d’argent aux Jeux de Tokyo). Mais il ne faut pas oublier Dorothée Mériau (basket fauteuil, Jeux de Londres en 2012), Franck Haudouin (para tir à l’arc, 9e aux Jeux de Londres), Margaux Chrétien (natation synchronisée, JO de Rio) et Julien Bahain (aviron, désormais citoyen canadien, médaillé de bronze au JO de Pékin en 2008 et également présent aux JO de Londres).
Le canoë-kayak est le sport qui a envoyé le plus d’Angevins aux Jeux avec donc Stéphane Gourichon, Pascal Boucherit (médaillé de bronze à Los Angeles en 1984), Jean-François Briand (JO de Barcelone, 1992), Cindy Moreau (médaillée de bronze au Jeux Paralympiques de Rio) et Vanina Paoletti (JO de Tokyo).