#3 Pol Rouxel
Pol Rouxel va traverser le Groenland à ski
Un trajet de 700 km en totale autonomie, par – 30 degrés. Ce n’est sans doute pas la définition d’un voyage de rêve pour beaucoup mais c’est le défi à la fois sportif, scientifique et environnemental que s’est lancé Pol Rouxel, étudiant ingénieur angevin de 21 ans.
Texte: Charles Dubré-Beduneau
Photos: Franck Potvin
Les fjords glacés, les icebergs, les crevasses, les ours polaire et peut-être, s’il a de la chance d’en voir, des aurores boréales. Ce sera le décor enchanteur (mais parfois piégeux), dans lequel Pol Rouxel tentera d’avancer pendant deux mois, en avril et mai 2024. « Norland », c’est ainsi qu’il a baptisé son expédition. Une traversée du Groenland, d’est en ouest (de Isotorq à Illulissat, à proximité d’un fjord glacé classé au patrimoine mondial de l’UNESCO), à l’aide de skis équipés de peau de phoque et tracté par une voile de kite si le vent est favorable pour gagner en vitesse de déplacement (maximum 60 km/h). « Depuis tout petit je suis fasciné par ces environnements là. Je suis un amoureux de la montagne, de sport et j’ai lu beaucoup de récits d’aventure. Je rêve depuis longtemps d’aller découvrir les contrées polaires. Ce projet réunit tous les aspects que j’aime dans ma vie passée, présente et même future », explique, enthousiaste, le jeune angevin. Il devra aussi tirer une pulka, une grande luge chargée de près de 100 kg de matériel, nécessaire à cette traversée en totale autonomie. Il sera pour cela aidé d’Antoine Lepage, un ami d’enfance, qui aura pour mission de réaliser un documentaire de l’expédition.
Aller-retour à la voile depuis la Bretagne
Étudiant à l’Ecole des Mines d’Albi, Pol a pris une année de césure, avant d’attaquer sa dernière année, pour préparer et réaliser ce projet qui lui tient tant à cœur. Au-delà du défi sportif, cette expédition atypique a un double objectif: scientifique et environnemental. « J’ai l’intention de mettre à disposition d’organisations scientifiques une partie de ma pulka, pour réaliser des protocoles et des manipulations qui leurs sont utiles dans leurs recherches. Par exemple, des mesures physiologiques pour étudier la réaction de mon corps au froid et à la fatigue, ou encore des prélèvements de la calotte glaciaire. Comme je rêve de devenir astronaute, réaliser des expériences scientifiques dans des conditions extrêmes sera à la fois une forme d’entraînement et une acquisition de compétences professionnelles utiles. Enfin, le défi de réaliser cette aventure avec un impact carbone minimal est une manière d’inciter chacun d’entre nous à réaliser de petits et grands projets sans pour autant négliger l’environnement. Je considère que nous avons besoin de ce type d’initiative pour faire prendre conscience et imaginer des possibles différents. » Afin de réduire au maximum son bilan carbone, Pol ambitionne même de faire l’aller-retour jusqu’au Groenland sur un voilier depuis la Bretagne.
Une préparation minutieuse, à la hauteur des risques
Pour relever un tel défi, qui n’est pas sans risque, surtout pour un aventurier amateur, aucun détail ne doit être laissé au hasard. Ainsi, au cours des six prochains mois, le jeune homme va suivre une préparation minutieuse: des entraînements de ski-kite au col du Lautaret (« le meilleur spot en France »), une formation à l’IFREMMONT (Institut de Recherche et de Formation en Médecine de Haute-Montagne) à Chamonix et enfin une expédition de sept jours en Laponie en février en guise de dernier test grandeur nature. Il est également suivi par Patrick Dutartre (Général de l’Armée de l’Air et de l’Espace, ancien Leader de la Patrouille de France), notamment sur la gestion des risques et de la sécurité. « J’ai choisi de partir à cette période car les jours sont plus longs qu’en hiver et les glaciers côtiers moins dangereux qu’en été », précise Pol.
Sensibiliser les jeunes et moins jeunes au réchauffement climatique
À son retour, Pol espère pouvoir partager avec un maximum de personnes tout ce qu’il aura appris et observé sur place. « Je souhaiterais aller témoigner dans des écoles et des entreprises de ce qu’il se passe réellement dans ces régions, qui se réchauffent trois fois plus vite qu’ailleurs. J’espère que ce projet aura une portée intergénérationnelle et qu’il permettra d’illustrer à quel point nos modes de vie détruisent ces environnements. J’aimerais par dessus tout influencer ma génération, qui n’aura d’autre choix que de se battre. Nous inciter à nous mettre en mouvement, en apportant un message d’espoir, en montrant que « c’est possible ». » Pol est loin d’être le seul de sa génération à se bouger pour la planète. Mais son projet en inspirera sans doute d’autres. Et c’est tant mieux.