Norseman: Ludovic Lévêque décroche le graal
08 août 2019
#MadeInAngers. Le 3 aout dernier, en Norvège, le triathlète angevin Ludovic Lévêque a réalisé son rêve et réussi son pari fou de finir dans les 160 premiers du Norseman, le triathlon le plus dur au monde. Il revient, presque heure par heure, sur cette expérience inoubliable, qu’il a partagée avec ses proches.
Mercredi 31 juillet
Arrivée à Bergen. Après avoir récupéré les valises (ouf, tout est là), nous prenons possession de la voiture de location et rejoignons notre camp de base, situé à Kinsarvik (à deux heures de route). Nous logeons dans une petite maison en face du fameux fjord où je nagerai le 3 août. Mon cousin Bertrand, sa femme et les enfants arrivent dans la soirée. Bertrand sera un de mes support-runner.
Jeudi 1er août
Nous prenons la direction d’Eidfjord pour une natation de 20 mn dans le fjord. Impressionnant d’être enfin sur le lieu de cette épreuve. L’eau est bien évidemment froide mais moins que je pensais (environ 14 degrés), les sensations sont bonnes mais je vois rapidement que le niveau est élevé. Ensuite reconnaissance du début du parcours vélo sur 40 km, histoire de faire tourner les jambes, là aussi de très bonnes sensations. Le soir, je retourne récupérer Elise, ma chérie, à l’aéroport de Bergen, qui sera bien évidemment aussi ma support-runner.
Vendredi 2 août
Retour sur Eidfjord pour la récupération du dossard et des bracelets. On est tous hyper contents et excités à l’idée de prendre le départ. On y est, ça y est, je réalise que dans moins de 24h c’est le jour tant attendu !! L’après midi, direction le briefing de course avec l’ensemble des athlètes. J’y vais accompagné de mes deux support-runner. On s’installe tous dans un grand gymnase. Ca commence par une vidéo dans le noir sur les éditions précédentes, que d’émotions ! J’ai la chair de poule ! Les directives sont données par le staff et ça se termine par une musique et une danse norvégienne. On sent l’engouement et une tension palpable chez l’ensemble des athlètes mais toujours dans une bonne ambiance. On rentre tous sur Kinsarvik. Avec ma chérie, nous préparons chaque sac pour chaque épreuve, la nourriture, le vélo, etc. Pendant ce temps là, le reste de la famille prépare les voitures, les repas pour être prêt au petit matin. Le soir juste avant le dîner, nous faisons un dernier briefing de course et motiver les troupes. On est au taquet !
Samedi 3 août
Le grand jour tant attendu est arrivé ! Debout à 1 h du matin, la nuit fût courte mais j’ai réussi à me poser et fermer les yeux. Je prends mon petit-déjeuner comme prévu avec Bastien, mon coach diététique, et à 2h du matin direction Eidfjord. Nous arrivons sur place, on est bien dans le timing, Elise et moi prenons la direction du parc à vélo. Checking du staff pour vérifier l’ensemble du matériel, tout est ok. Nous installons le vélo dans le rack et préparons les affaires pour la sortie de la natation.
Il y a beaucoup de monde sur place mais il y a également ce fameux ferry qui fait aussi peur que rêver… J’avoue qu’à ce moment là le stress monte. L’organisation nous presse pour embarquer, j’embrasse ma famille, un dernier câlin à ma chérie et j’embarque sur le ferry qui part à 4 h précise. Sur le pont du bateau, je retrouve très vite d’autres Français. C’est comme dans les vidéos qu’on regarde sur internet mais cette fois ci c’est nous ! On sait ce qui va se passer exactement minute par minute. On ne se rend pas compte que le ferry bouge, le temps est peu palpable mais la tension, elle, est bien là. D’un seul coup, on nous indique qu’on y est. Le staff met en action un jet d’eau au fond du ferry et on a la possibilité de se mettre dessous pour éviter le choc thermique: il s’agit de l’eau du fjord, c’est très froid et salé. Au même moment, la mâchoire du ferry s’ouvre sous les applaudissements… J’ai ressenti à ce moment de la fierté et de la peur mais ça reste un moment magique et tellement attendu. On avance en groupe vers le vide et là c’est mon tour de sauter. Je tiens mon bonnet et mes lunettes pour ne rien perdre ! Ça y est, le big jump mythique est fait. Quand je remonte à la surface je me retourne vers le ferry et je réalise vraiment que j’y suis. C’est incroyable ce sentiment d’être enfin sur la ligne de départ après 7 ans d’attente ! Très vite je nage pour rejoindre le départ situé plus loin entre les kayaks. On attend sur place 5 mn et là par contre sans bouger, il fait très très froid.
Un départ à la nage encourageant
À 5 h pile, la corne retentit, les pagaies des kayaks se lèvent et c’est parti ! « Allez go, c’est parti ! pose ta nage et sort de l’eau ». Voilà ce que je me dit. Je sais que c’est mon point faible, donc je fait une natation à mon niveau et forcément je perd des places. Je sais que je me situe plus vers la fin mais je ne me stresse pas, je le savais avant de partir. Je vois en nageant que je suis en avance sur le chrono annoncé par mon coach Jérôme, je nage bien pour mon niveau en natation. Je termine les 3950 m à ma montre en 1h17. Personnellement je suis satisfait, le problème c’est que les concurrents sont des torpilles et du coup je suis 218e sur 290 donc loin du black t-shirt. Je cours vers le parc à vélo, ma chérie m’y attend car c’est la seule à pouvoir y rentrer. Je suis tellement frigorifié qu’elle m’aide à me sécher, m’habiller car je tremble comme une feuille et me donne à manger. Je fais au plus vite, mais je prend le temps de mettre un vrai cuissard pour être à l’aise car la route s’annonce longue…
Sur le vélo, le début des problèmes
Début du vélo pour 185km et 3816m de dénivelé positif. Je sais dès le départ que je dois doubler environ 50/60 concurrents pour être en course pour le t-shirt noir. Il faut que je me gère car les 25 premiers km se font sans l’équipe support. Je remonte un à un chaque athlète, cela me motive et je reste confiant à ce moment-là. J’ai les jambes, tout va bien et quand j’arrive au 25e km, je suis dans les 160 premiers. Je m’hydrate comme prévu et je gère mon alimentation. J’ai retrouvé mon équipe support. Mais voilà, à un moment donné, et sans aucune raison, sans rien y comprendre car j’étais physiquement et psychologiquement bien, mon abdomen a gonflé comme un ballon et j’ai du mal à respirer. Ca engendre des problèmes intestinaux. Je dois à plusieurs reprises faire des pauses « obligatoires » et à partir de ce moment là je perds des places par 5/10/15 à chaque fois. Mon moral en prend un gros coup, c’est la première fois de la journée que je doute: Je ne vais jamais finir cette course pour laquelle je me suis tant entrainé… Mais quand je remonte sur le vélo je reprends ces fameuses places, le classement est fluctuant. Je sais que le t-shirt noir s’éloigne même si mon équipe support me cache cette information pour pas me démotiver.
Mon équipe support est à ce moment-là primordiale pour me soutenir et me booster. Mon coach Jérôme est en contact direct avec Élise pour me motiver et me donner des conseils. Je suis descendu à la 173e place pendant une période mais à force de volonté, de chocolat, de gommes et de coca je remonte des athlètes. Je pose le vélo en 163e en 7h14. De mon côté je suis déçu mais ma team est contente car eux ont le classement exact et pas moi.
Zombie Hill puis le Gaustatoppen
Transition rapide en 2’30 mn, toujours en compagnie de ma chérie, avec une seule chose en tête: gagner au moins cinq places. J’enfile mon t-shirt pendant qu’Elise fait mes lacets. C’est parti pour 42 km de course à pied et 1816 m de dénivelé positif. Je suis confiant car c’est mon point fort et au bout de 10 km je suis 151e. Je me dit « maintenant je gère ». Oui mais voilà, retour des problèmes intestinaux et la valse recommence, je rechute au classement. À ce moment-là, je reste confiant même si je sais que la marge est faible. Les problèmes s’estompent et je ne marche pas, le rythme est plus bas mais j’avance. Mon équipe support est toujours présente et ma chérie me met directement la nourriture dans la bouche. Je remarque que devant les concurrents craquent et qu’ils marchent beaucoup. J’arrive au pied de Zombie Hill au 25e km, et on m’annonce que je suis 133e, nickel. À partir de là, Elise enfile son sac Camelback, chocolat et bouteille d’eau en main prête à en découdre à mes côtés. Je me retrouve aussi avec un autre Français, Benjamin, et son support-runner. On attaque les 7 km les plus raides tous ensemble, ça monte en permanence, minimum 7% et on continue à doubler un maximum de concurrents. Le rythme est soutenu mais l’ambiance est au top grâce à l’engouement de nos support-runner qui ne nous lâchent pas pour qu’on garde le rythme.
Le cut off temps et classement se situent au 32,5km. On sait qu’il n’y a que les 160 premiers qui iront au sommet. Benjamin et moi ressentons un sentiment bizarre: on stresse tout le temps de notre classement alors qu’on fait que reprendre des places. On arrive enfin proche de la tente et là on m’annonce que je suis 121e, quel bonheur !!! Je retrouve le reste de mon équipe. Je tombe dans les bras d’Elise. Beaucoup de larmes et d’émotions car ça y est je suis dans les 160premiers après toutes mes galères. Elise me recadre car la course n’est pas finit. Direction le sommet du Gaustatoppen, il reste encore 10 km à faire. Élise est toujours avec moi, Bertrand nous rejoint. On finira la course à trois. J’ai tellement donné que je suis à bout.
La délivrance
Premier objectif, les 37,5 km qui sont sur route mais toujours en montée. On y va en marchant, je me plains car je suis fatigué mais mes deux supers support-runner me booste et on marche, aucun arrêt. Elise et Bertrand me force à manger et boire. On arrive enfin au pied de la montée pour les 5 derniers kilomètres d’ascension. Un membre du staff vérifie mon matériel et ma lucidité pour s’assurer de ma capacité à grimper jusqu’au sommet. Tout est ok, on fait quelques photos pour immortaliser le moment et on est parti. C’est d’abord du chemin avec des pierres et ensuite que des rochers, il faut beaucoup de temps pour monter. J’ai tellement donné pour arriver jusqu’au 32,5 km qu’à ce moment précis je suis cuit et pourtant c’est bientôt finit, mais j’en ai vraiment marre… Sans mon équipe support, je ne sais pas si j’aurais eu le courage de finir. Je tape dans les pierres, je n’ai plus de jus mais je sais que je n’ai pas le droit de lâcher. Je ne sais plus si je double ou si on me double. Comme dirait Élise, je suis en mode robot. Elise devant, Bertrand derrière et ça tourne. Moi je suis au milieu et je regarde dans le vide car j’ai l’impression que le sommet n’arrive jamais. Enfin, après tant d’efforts, après ces douleurs physiques, on arrive sur la dernière crête et un membre du staff me félicite et me dit de passer devant mes support-runner. On grimpe encore, on monte des marches, je suis encore lucide pour profiter du moment, on tourne à droite et ce sont les dernières marches avant l’arrivée finale. Je prends la main d’Elise, Bertrand immortalise le moment en photo et on passe la ligne d’arrivée en montant sur le tapis ! Quelle émotion, j’y crois pas !!! On tombe tous dans les bras des uns et des autres. On pleure ensemble, on lache la pression, la fatigue. Je ressens de la fierté et de l’émotion dans chacun d’entre nous. Un moment inoubliable !
Je m’assois, on me donne un plaid, une soupe et du pain. Je pleure et ça ne s’arrête pas. On prend un max de photos, ça va très vite, le staff me demande déjà de redescendre en funiculaire. Je laisse Elise et Bertrand redescendre la montagne à pied. Il fait très froid et je m’endors dans le funiculaire, le trajet me parait interminable. On se retrouve tous et direction le nouveau camp de base situé à Rjukan. On est tous naze mais heureux. On ne réalise pas vraiment ce qui se passe. On se douche, on mange des pâtes et direct dodo pour tout le monde.
Dimanche 4 août
Réveil matinal pour être à 10 h à la cérémonie des t-shirts. Nous remontons Zombie Hill, mais en voiture cette fois-ci. Nous arrivons sur place, je suis à fond et excité car je vais récupérer mon graal !! On me le remet enfin !!! Je suis tellement fier et là je réalise que je porte le t-shirt noir du Norseman Xtreme Triathlon. Avec ma famille, nous allons dehors face au Gaustatoppen et nous faisons des dizaines et des dizaines de photos pour immortaliser le moment.
Enfin, comme la tradition l’exige, il y a la photo des athlètes avec les t-shirts noir et les t-shirts blanc. Peu importe la couleur, on est tous des finishers et tous méritant. L’extrême triathlon n’est pas un sport individuel mais un sport d’équipe. J’ai enfin pu réaliser mon rêve qui me paraissait inaccessible il y a encore peu de temps. J’ai fait beaucoup de sacrifices pour avoir ce t-shirt noir et croyez moi, il sera encadré celui-là. Je ne remercierai jamais assez mes proches présent sur place : mon papa qui était le conducteur de ma voiture suiveuse ; Manira et les enfants, un vrai club de supporter ; ma maman qui a géré toute la nourriture ; Bertrand, mon cousin, support-runner et qui a tout donné; et bien évidemment ma moitié, Élise, qui a fait plus que le job et sans qui cela n’aurait pas la même saveur. Elle a vécu la préparation et je vous assure que ce n’est pas simple chaque jour. Merci à elle. Elle a su aussi vous faire partager la course en direct pour que vous puissiez aussi vivre ce moment avec nous.
Merci aussi à Jérôme Vaglio, mon coach physique, et Bastien Pla, coach diététique, car l’un ne va pas sans l’autre. Merci au Team Lemon Grass et Paul Pecriaux qui a tout fait pour avoir des partenaires au top pour moi. Et merci à tous pour vos messages et votre soutien, c’est vraiment touchant de lire tout ça et de voir que beaucoup ont vécu la course en direct sur le tracker. Tout ça c’est énorme et je pourrai écrire encore longtemps. Un bon break pour moi maintenant et une orientation 70.3 pour avoir du temps avec ma famille. Encore une fois merci à tous et il faut toujours croire en ses rêves…