“Ne jamais mentir à l’athlète” – Sullivan Breton
#LesIndispensables - 08 avril 2020
#ParolesDeCoach. Entre la connaissance pointue de sa discipline, la planification d’un projet global, ou l’indispensable gestion humaine et émotionnelle, l’entraîneur est bien souvent un être fascinant à observer, toujours passionnant à écouter. Ses mots sont cruciaux, à la base de son action, à savoir faire passer des messages. Après une carrière de haut niveau en tant que rider en BMX, Sullivan Breton a pris une autre casquette. Celle d’entraîneur. Mais dans une autre discipline : l’athlétisme. Dans quelques mois, l’angevin devrait même participer aux Jeux Olympiques aux côtés d’Amandine Brossier, qu’il entraîne depuis 2017, en plus de son activité professionnelle en tant que décorateur d’intérieur. Rencontre avec un passionné de l’entraînement.
Par Théo BARILLER-KRINE
Crédit photo : Théo BK
Une expérience du haut-niveau
Au club du SCO Angers Athlé, tout le monde l’appelle “Sully”. C’est même son surnom officiel, au delà de la piste angevine. Avant le milieu de l’athlétisme, Sully a connu une autre discipline : le BMX (race). Une discipline qu’il a pratiqué pendant plus de vingt ans, dont dix à haut niveau. Des bons résultats au niveau européen, et même mondial. Mais de nombreuses blessures l’ont contraint d’arrêter sa pratique. L’exigence du haut-niveau et ses différents sacrifices, Sully en a donc un bel aperçu.
“S’il y a 10 ans on m’avait dit que je serai coach d’athlétisme, je n’y aurais pas cru.”
On peut alors se demander, pourquoi Sully n’a pas continué dans son sport de prédilection. Pourquoi changer radicalement d’activité. Passer d’un sport porté à un sport de charge. “J’ai fais du BMX pendant 20 ans, je ne pensais qu’à ça. Il n’y avait que mon vélo qui comptait. Puis j’ai été coach de BMX, pendant 4-5 ans. Mais j’en ai eu marre. Je commençais à éprouver du stress, pour les athlètes que j’entraînais. Je prenais beaucoup de plaisir avec les grands. Mais avec les jeunes, la moindre erreur me stressait. Je devenais l’oeil du papa qui faisait trop attention, et qui focalisait son attention sur autre chose.”
L’ancien rider avait donc besoin de changement. C’est donc en athlétisme, et plus précisément au SCO Angers Athlé, que cette transition a débuté. Tout d’abord, en tant que sportif licencié : “J’ai pris du plaisir, mais je n’ai pas retrouvé les sensations du BMX.”. La casquette d’entraîneur est alors vite retrouvée, grâce à une athlète en particulier. Avec Amandine Brossier, athlète au fort potentiel et aujourd’hui en pleine préparation des Jeux Olympiques, le challenge est là. Débute ainsi une période de collaboration toujours intacte.
“Besoin de connaître le contexte et l’environnement de l’athlète”
Se dégage alors un groupe d’entraînement, composé de 4-5 athlètes, spécialisés sur le 200-400m. Avec des objectifs régionaux pour certains, et une ambition Olympique pour Amandine. Un groupe d’entraînement qui reste ouvert : “Que ce soit pour 1 séance par semaine ou 5 séances par semaine, j’ai besoin de créer un minimum de feeling. Je déteste qu’on m’amène quelqu’un, qu’on me dise “faut l’entraîner” ; ça n’a pas de sens pour moi.” Avec ces différents sportifs, Sullivan doit jongler en permanence et s’adapter. Un management particulier à gérer, mais qui garde le même fil conducteur : “Je reste avec la même conviction. J’adapte mon discours et ma façon d’entraîner en fonction de l’athlète. Quoi qu’il arrive, j’aurais les mêmes exigences. Par exemple, la ponctualité et les éventuels retards. Si tu veux atteindre ton objectif, c’est aussi le respect envers ton coach. Si ton coach te dit tel chrono, à toi de tout faire pour réaliser ce chrono. C’est une consigne comme une autre. ”
Football Américain, Natation, YouTube, Philippe Lucas… : curiosité et enrichissement
Les résultats de notre lauréate 2018 étant au rendez-vous, la méthode d’entraînement semble donc porter ses fruits. Une méthode qui est sans cesse réajustée : “Quantité ou qualité ? Au début, j’étais à fond sur la quantité. Mais je me suis repositionné sur la qualité. Mais cela dépend aussi de la période. Mais si tu ne mets jamais de qualité, ça sera compliqué… Mais Amandine apprend vite et assimile très vite l’information. On se concentre de plus en plus sur les détails qui feront la différence.” N’étant pas issu de ce milieu, Sully n’a pourtant pas une connaissance parfaite de tous ces détails.
Et finalement, c’est peut-être l’une de ses plus grandes forces : “Mon oeil extérieur. Je ne connaissais pas du tout l’aspect technique, contrairement à d’autres entraîneurs. Je connaissais l’athlétisme comme un simple spectateur. J’ai pu apporter des choses différentes. Je n’ai pas apporté de techniques précises, j’ai fait travailler les athlètes avec leurs qualités propres.” Cette polyvalence lui permet aujourd’hui de s’occuper également de la préparation physique en musculation, d’Alexandra Aubry et Jéhanne Réguer (triple saut), licenciées au SCO Angers Athlé. Une autre fonction grâce notamment à un BPJEPS AGFF acquis à l’IRSS aux côtés de Stéphane Rouaud ; et l’acquisition d’une VAE d’entraîneur 3ème degré.
Et même la construction de ses séances est atypique : “Je continue encore aujourd’hui, de m’inspirer des autres sports : le football américain, le rugby, la natation… On a beaucoup à apprendre des autres. Il y a des synergies, peu importe le niveau, c’est une certitude. Cela évite la lassitude de l’athlète en plus. Il faut aussi que l’entraîneur sache se renouveler. Ma plus grosse crainte aujourd’hui, c’est qu’Amandine me dise stop du jour au lendemain, qu’elle en ait marre de faire du sport. Et d’un point de vue personnel, d’en avoir marre d’entraîner. J’en suis encore loin à mon avis. Mais on ne sait jamais.”
En quatre ans : d’une compétition départementale aux Jeux Olympiques
Pour s’imprégner du coaching de haut-niveau, son modèle ne se trouve ni BMX ni en athlétisme : “Ma première source d’inspiration, c’est Philippe Lucas. C’est lui qui m’a donné envie d’entraîner. Il rentrait dans les athlètes, il ne laissait pas le choix. Il ne faut jamais mentir à l’athlète. Dire clairement ce qu’il y a eu, en expliquant ce qui n’a pas été. Et comprendre que ce n’est pas toujours la faute de la préparation, mais peut-être aussi ce qui se passe dans la tête de l’athlète. Il y en a beaucoup qui changent de stratégies le jour de la compétition… Ils deviennent méconnaissables ! Alors qu’il ne faut rien changer.”
Les compétitions, elles sont de plus en plus belles pour Sullivan. Après les Championnats du Monde à Doha en 2019, les Jeux Olympiques à Tokyo, en 2021, devraient être la prochaine étape : “Je ne pensais jamais arriver jusque là. Quand je voyais les entraîneurs à la télévision, je me disais que ça devait être tellement bon ce qu’ils vivent. J’ai encore du mal à réaliser que nous sommes en train de préparer les Jeux. Pour un coach ou un athlète, c’est le sommet avant la médaille.” Mais de la première compétition départementale au Qatar, le Jour J est particulier est pour lui : “De la petit compétition aux Championnats du Monde, c’est pareil. J’ai besoin de le vivre seul. J’ai une très grosse pression. Je suis dans mon coin, aucune émotion n’est visible…(rires).”
Le confinement et le report des Jeux : 1 an pour devenir encore plus fort
La motivation : “On s’est tout de suite dit que c’était pareil pour tout le monde. Il ne fallait rien changer. Continuer de s’entraîner et garder les cycles que l’on avait prévu. Amandine sait ce qu’elle veut, où elle veut aller. On a la chance d’avoir un peu de matériel de musculation pour faire des séances à la maison.”
Le report des Jeux : “Il fallait. Tous les athlètes, en fonction de leur région, vont rentrer en confinement. Et nous parlons peu de l’Afrique, mais ça risque d’être une catastrophe malheureusement…”
L’occupation : “Amandine fait tout le nécessaire : des squats, des fentes, des soulevés de terre… J’en profite pour revoir quelques aspects sur la physiologie, des astuces dans plusieurs sports, ce qui se passe ailleurs etc…”
La future reprise : “Le truc à ne pas faire, c’est de croire que les athlètes sont en vacances. Ça va être compliqué en septembre sinon. Comme le calendrier des compétitions est encore un peu flou, certains athlètes vont s’entraîner sans trop savoir pourquoi…”