Ma Dalle Intime par Jeanne Charruault
#MaDalleIntime - 19 juin 2023
10 questions, 10 sillons à creuser pour interroger en profondeur la manière de vivre le sport de nos athlètes locaux. Pour réveiller aussi leurs souvenirs, identifier les moments décisifs, partager leurs sources de motivation… Une dalle angevine, une dalle intime que nous confie notre lauréate 2022 Jeanne Charruault, sprinteuse de 22 ans licenciée au SCO Angers Athlé.
Texte : Alexis Rimbert
Photos : Franck Potvin
1- Un moment fondateur, décisif, qui a déclenché ton amour pour ton sport, l’athlétisme?
Il y a eu pas mal de premières petites étapes qui m’ont fait aimer ce sport. J’ai commencé grâce à ma sœur à faire un peu d’athlétisme au collège. Puis un entraîneur d’Avrillé m’a proposé de m’inscrire dans son club au vu de mes bons résultats.
Mais le moment qui m’a le plus marqué, c’est les Gymnasiades, une compétition internationale scolaire. Comme je faisais de l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) au lycée quand j’étais en sport étude, j’ai été sélectionnée pour y aller. Je suis partie une semaine à Marrakech. Et c’était un peu comme des JO, il y avait plein de sports différents, un village olympique… C’était ma première sélection en équipe de France, mais au niveau scolaire (à l’image ci-contre). Et je me suis dit: «Maintenant je veux aller chercher un vrai maillot de l’équipe de France !».
2- Pourquoi aimes-tu tant ce sport, qu’est-ce qui te plait en lui? Parle-nous de ton plaisir à le pratiquer.
Ce que j’aime dans l’athlétisme, c’est vraiment la diversité et le nombre de disciplines. Peu importe notre taille, notre poids et notre morphologie, on peut en trouver une qui nous correspond et dans laquelle on peut être bon. Après ce qui me plait en tant que sprinteuse, c’est vraiment l’adrénaline. C’est court, on n’a pas le temps de réfléchir sur un 100 mètres et lorsque tu arrives au bout, tu te dis: «Wow je viens de courir ça en si peu de temps !». J’aime aussi le relais car on y retrouve un côté plus collectif. Mais mon moteur dans la vie, c’est l’entrainement. Le fait de tous les jours se surpasser pour devenir meilleur, ça me plait.
3- Quel personnage de ton environnement proche a été fondamental dans ton éducation sportive ?
Par rapport à mon niveau actuel, je dirais que c’est Richard Cursaz, mon coach sur le Pôle à Nantes. Mais celui qui m’a fait aimer ce sport et qui m’a donné envie de faire toujours plus, toujours mieux, c’est mon prof de sport au collège, Pierre Raison. C’est lui qui gérait la section sportive et qui m’a entraîné le mercredi après-midi sur l’athlétisme. C’est avec lui qu’on a eu des médailles nationales par équipe en UNSS au collège. On a même été championnes de France quand j’étais en 3e alors qu’on était un petit collège. C’était inespéré.
4- Où et comment puises-tu ta motivation, comment tu la régénères dans les périodes difficiles?
Ma force, c’est vraiment mon double projet (athlétisme et études de médecine). Dès le lycée, je savais que ma réussite scolaire allait de pair avec ma réussite sportive et inversement. Encore plus maintenant avec la médecine. Si je veux réussir dans l’un, je sais qu’il faut que je sois performante dans l’autre. Je me répète qu’il faut que je sois «la meilleure» dans les deux et ça me tire vers le haut.
Sinon, ça reste ma vie sociale: ma famille, mes amis. Ce sont aussi mes moteurs pour réussir cette vie qui est un peu intense. S’ils n’étaient pas là, je ne sais pas si j’arriverais à tenir le coup. J’aime ça et c’est dans mon caractère mais c’est bien de savoir que j’ai mes amis et ma famille qui me soutiennent.
5- Un mal de ton sport que tu aimerais voir disparaitre, un espoir de changement pour son avenir?
Le dopage. Je m’entraîne avec des athlètes olympiques donc forcément ils peuvent être réveillés à 6 heures du matin pour un test antidopage. On découvre malheureusement de plus en plus d’athlètes actuels ou anciens qui ont fait des records et qui finalement étaient dopés. Dire que j’aimerais que ça disparaisse serait utopique, mais en tant qu’étudiante en médecine, je connais le corps humain de mieux en mieux et je pense qu’il est déjà capable de faire de très belles choses sans avoir besoin de le détruire avec des toxiques.
Jeanne avec à sa gauche Amandine Brossier et le coach Sullivan Breton lors d'un stage récent à La Réunion
6- Un ou une athlète de haut niveau actuel ou historique auquel tu aimes te référer, et pourquoi?
Christophe Lemaître. Depuis septembre, il vient s’entraîner de temps en temps sur le Pôle avec nous. Forcément, c’est le premier homme blanc à avoir couru sous les 10 secondes et c’est un médaillé olympique. On est partis en stage à La Réunion et je marchais à côté de lui comme s’il était n’importe qui alors que les gens autour étaient là: «Ah mais regardez, c’est Christophe Lemaître !». Maintenant je le connais, mais je n’ai jamais trop été en adoration devant un sportif ou une célébrité. Oui les gens font des choses mais ça reste des êtres humains comme nous tous et je pense qu’il ne faut pas l’oublier.
7- Une création autour de ton sport (série, film, docu, livre, BD, spectacle, œuvre…) qui t’a marquée?
Le film qui a été fait sur Jesse Owens, «la couleur de la victoire» (à l’image ci-contre). Il dénonce le racisme, dénonciation pour laquelle je suis engagée. Il montre aussi l’évolution du sport, notamment des Jeux Olympiques et les combats qui ont été menés pour que cet événement soit aujourd’hui universel et cosmopolite. Je sais que dans l’athlétisme, c’est hyper cliché mais il y a davantage d’athlètes à peau noire qu’à peau blanche. Et on court tous ensemble. Jamais on irait dire à certains de courir ailleurs parce qu’ils sont différents. Et pourtant il y a 100 ans, c’était le cas.
8- La dernière fois que tu as pleuré, de peine ou de joie, par le sport? Peux-tu nous expliquer cette émotion.
Malheureusement, ma saison hivernale a été très compliquée. Je n’ai pas du tout eu les résultats que j’attendais. Je pense que j’ai pleuré à chaque compétition, chose qui d’habitude ne m’arrive pas car je suis quelqu’un qui pleure très peu. Mais là, chaque nouvelle course, je passais la ligne d’arrivée, regardais le chrono et c’était un coup de massue supplémentaire. Même si c’est ma passion et que tout ce que je fais, je le fais par amour pour ce sport, c’est quand même beaucoup de sacrifices et de contraintes. Et le fait d’essayer de tout faire bien, lorsque ça ne paye pas, c’est vraiment compliqué. Donc oui cet hiver, je pense que j’étais à la limite du burn-out…
9- Un autre sport passionnant, que tu aurais aimé pratiquer, que tu pratiques aussi peut-être?
Je garde toujours une petite attache pour la gymnastique que j’ai pratiquée pendant 8 ans. Je ne pense pas que j’en aurais fait toute ma vie. Et je n’aurais jamais atteint le niveau que j’ai actuellement en athlétisme. Mais je pense que c’est un sport qui m’a appris la discipline, et aidé à vaincre la peur. Ça m’a apporté aussi pas mal de mental pour la suite. Si j’avais pu en faire au haut niveau, je pense que j’aurais adoré parce que c’est à la fois très technique, très physique mais il y a aussi le côté artistique que je ne retrouve pas forcément dans l’athlé.
10- Un lieu important, un décor puissant dans ton histoire avec ton sport ?
La salle où je m’entraîne à Nantes. C’est clairement une deuxième maison, pas forcément dans le sens où j’y passe beaucoup de temps mais ça va faire 7 ans que je m’entraine là-bas. C’est là où je me suis professionnalisée. Toute ma vie lorsque je passerai à côté de ce Stadium, je me dirais: «J’en ai passé des heures ici et je suis devenue une athlète à cet endroit-là». Quand j’arrive dans la salle, je remplis toujours ma gourde à l’entrée, a une petite fontaine à eau. Ensuite, je vais voir mon groupe, on se dit tous bonjour puis c’est toujours la même routine. On part en footing tous ensemble et c’est parti pour 1h30 à 2h30 d’entraînement !
Cliquez sur le nom et retrouvez les interviews #MaDalleIntime de nos 4 autres lauréats 2022 dans la catégorie Performance :
– Solenne Billouin
– Jules Houel
– Loann Renou
– Alice Soulié